Le tueur géant

Lorsqu’un cheval d’élevage québécois et basé au Canada se dirigea vers le sud le jour de l’ Hambletonian pour se mesurer à quelques-uns des meilleurs ambleurs plus âgés à n’avoir jamais coursé,

peu de gens croyaient qu’il en ressortirait gagnant. Mais apparemment, personne ne parla à Shamballa de ses limitations. By Paul Delean / Traduction Louise Rioux

Pour un homme de chevaux standardbred, on pourrait difficilement faire mieux qu’une victoire en Hambletonian. Gagner aussi l’U.S. Pacing Championship le même après-midi, dans une des courses d’un mille le plus rapide à n’avoir jamais été courue, en plus derrière un animal entraîné et dont son père est copropriétaire, ont fait que cette journée soit exponentiellement meilleure pour le conducteur Scott Zeron.

« Je vais essayer de profiter de ce moment aussi longtemps que je le pourrai, » disait Zeron qui est âgé de 27 ans, quelques jours plus tard. « Il ne s’agit pas que des deux victoires, c’est le fait de vaincre des chevaux dont les gens pensaient qu’ils ne pouvaient pas être battus, et de gagner pour mon père, après tout ce qu’il a fait pour mon développement de conducteur. J’accorderais une note de 10 sur 10 pour cette journée. Disons un 9. J’aimerais croire qu’il y aura quelque chose de plus grand encore plus tard. »

Alors que la victoire par un nez de Marion Marauder sur Southwind Frank lors de l’Hambletonian causa une légère contrariété, le triomphe de Shamballa en 1:47.1 au Pacing Championship d’une bourse de 225 500 $, fut quelque peu étonnant.

Il faisait face aux ‘trois’ ambleurs plus âgés d’Amérique du Nord – Wiggle It Jiggleit, Always B Miki et Freaky Feet Pete – des gagnants millionnaires de nombreuses courses ‘stakes’.

Bien qu’ayant été placé dans des courses ‘stakes’, y compris à titre de finaliste de State Treasurer au Canadian Pacing Derby de l’année dernière à Mohawk et d’Always B Miki lors du William Haughton Memorial à The Meadowlands, Shamballa n’avait jamais gagné une course ‘stake’ avant le Pacing Championship.

La majorité des gains du cheval de six ans au développement tardif, ont été réalisés dans la catégorie des courses préférentielles à Mohawk et Woodbine, où il a été un pilier des meilleures classes d’ambleurs durant deux ans, et reconnu pour ses fins de course spectaculaires.

« Ce voyage a été un cadeau du ciel, » dit l’éleveur et copropriétaire Paul Deslauriers, 53 ans, qui a suivi la course à partir de son domicile en Floride.

Natif de la ville de Québec, Deslauriers ainsi que son père Pierre, ont été les propriétaires des opérations d’élevage et de course du Québec, Bolero Stable, l’une des plus ambitieuses et au gros budget de dépenses.

« Nous voulons des champions mondiaux, » dit Deslauriers lors d’une entrevue du journal Montreal Gazette il y a vingt ans, expliquant les motifs des installations de la Ville de Québec de dépenser soudainement jusqu’à 75 000 $ US pour l’acquisition de yearlings et 40 000 $ US pour des poulinières. « Si c’est ce que vous voulez, il faut y mettre le prix. »

Le premier gros cheval de Deslauriers, toutefois, a été un vrai vol. Bolero Takara, une jument issue de Life Sign et élevée par les Cuddy Stables en Ontario, ne lui a coûté que 10 500 $ US, alors qu’elle n’était qu’une weanling.

Elle est demeurée invaincue au cours de ses 11 départs à Montréal et au Kentucky à deux ans en 1998, établissant un record mondial avec un mille en 1:52.2 à The Red Mile, et a été finaliste pour un O’Brien Award cette année-là.

À l’âge de trois ans, expérimentant des problèmes aux pieds, elle n’a couru que sept fois, gagnant à deux reprises, y compris une éliminatoire de la Breeders’ Crown à Mohawk. À la finale, elle a terminé deuxième derrière Odies Fame, qui a été intronisée au Temple de la renommée canadien des courses de chevaux en 2016. Ce fut le dernier départ de Bolero Takara.

« Elle a gagné plus de 500 000 $, et a fait tout ce que nous lui avons demandé. Avec son tempérament, j’avais le sentiment qu’elle ferait une extraordinaire poulinière, ce que nous avons fait, » de dire Deslauriers.

La débandade et l’affaissement éventuel de l’industrie des courses au Québec en 2009, a ralenti la ferme Bolero Stable. Deslauriers estime qu’il a perdu 1 M $ jusqu’au moment où ils ont vendu la ferme près de Québec et dispersé la majorité du cheptel, lequel, à un certain moment, comptait jusqu’à 40 chevaux.

Il a conservé six chevaux y compris Bolero Takara, qu’il a emmenés avec lui en Floride quand il s’est départi de son entreprise de cabinets et comptoirs de cuisine à Québec.

Elle s’est révélée une poulinière tout aussi prolifique qu’alors qu’elle était un cheval de course, comptant neuf partants sur ses 10 premiers foals pour des gains avoisinant presque 300 000 $ par partant. Maintenant âgée de 20 ans, elle est la propriété de Cornerstone Stock Farm en Indiana, qui l’a achetée privément de Deslauriers pour environ 25 000 $ US au moment où ce dernier connaissait un resserrement financier, résultat de l’après récession.

Shambella, de la première récolte du champion Somebeachsomewhere, a été sa plus riche gagnante, avec plus de 800 000 $ à son crédit, mais ses deux premiers rejetons, Bolero Charles et Bolero Taishi en ont atteint 600 000 $ et 500 000 $ respectivement.

Trois de ses quatre premiers rejetons ont enregistré des marques rapides à l’âge de deux ans, y compris son quatrième, Bolero Tallia, qui a gagné la course ‘stakes’ Lucien Bombardier à Montréal en 1:54.2, mais Deslauriers dit que le modèle en ce qui concerne sa progéniture, est qu’ils s’amélioraient en vieillissant. En attendant l’arrivée de Shamballa, il a décidé de tenir compte du conseil de son entraîneur précédant, Serge Bernard, de ne pas faire courir les bébés.

« Je suis convaincu que voilà l’une des raisons des succès de Shamballa, » a-t-il dit. « Les faire courser à deux ans est pure perte. »

Shamballa, dont le nom découle d’un magasin de tuile dont Deslauriers a été propriétaire pendant un certain temps en Floride, a été placé initialement aux bons soins de l’entraîneur Fred Grant.

« Fred s’occupe de tous mes bébés, » de dire Deslauriers. « Il m’a dit qu’il était solide, et que s’il était plus gros, il serait un champion. »

Châtré à l’âge de deux ans à cause de son indiscipline, Shamballa a commencé sa carrière à trois ans à Pocono Downs, où il a gagné cinq de ses onze départs et enregistra un temps de 1:52f.

Quand, au début de sa campagne de quatre ans, il ne connut aucune victoire en quatre départs, Deslauriers appela Zeron – à qui il avait envoyé quelques-uns de ses chevaux ordinaires quelques années auparavant – lui demandant s’il prendrait Shamballa.

« J’ai été chanceux en Ontario, » dit Deslauriers. « Et je ne voulais pas courir contre deux concurrents de l’écurie de Ron Burke à chaque semaine. »

Dès le début, Zeron a aimé ce qu’il voyait, et après avoir enseigné au cheval, il a demandé à Deslauriers s’il serait intéressé à en vendre une part.

« J’ai dit à mon assistant qu’il s’agissait d’une machine, un cadeau du ciel, que nous avons ici, » dit Rick Zeron. « Si je pouvais contrôler sa vitesse et le garder en santé, je savais qu’il serait un atout pour les opérations de Zeron. »

Deslauriers, qui a adopté le nom de Bolero, du nom de son magasin de céramique et de tuile de Pompano Beach et Tao Racing pour son écurie, s’est d’abord départi de 15 %.

Zeron a gagné sept courses en trois mois avec la nouvelle addition à l’écurie, y compris un meilleur temps en carrière de 1:49 à Mohawk.

À cinq ans, Shamballa devint remarquable dans les rangs Préférentiels , gagnant huit de 16 départs pour des gains de 358 315 $, et abaissant sa marque à 1:48s.

« Nous avons conduit Shammy aisément, comme le font les Européens, pour qu’il revienne à la maison. J’ai pensé que ses meilleures années seraient à l’âge de six et sept ans, » de dire Rick Zeron.

Deslauriers n’était pas aussi confiant, particulièrement avec le retour d’Always B Miki, et l’arrivée prochaine de Wiggle It Jiggleit et Freaky Feet Pete dans les rangs des ambleurs plus âgés. Il se défit d’une autre tranche de 60 % du cheval, diminuant ainsi sa participation à 25 %, et Zeron y a intéressé les propriétaires américains Howard Taylor et Cool Cat Racing.

« Je savais que nous aurions à faire face à ce groupe cette année, et je n’y avais pas hâte,» dit Deslauriers. « Peut-être était-ce une erreur, mais je n’étais pas riche. J’ai fait de l’argent avec ce cheval. Il a effacé des années de pertes. Et j’en détiens encore 25 %. »

Après deux victoires à Mohawk en début de saison, Shamballa a terminé deuxième derrière Always B Miki en Mohawk Gold Cup de 100 000 $ de la North America Cup night, puis fut envoyé à Pocono pour les éliminatoires et la finale de 500 000 $, du Ben Frankly Pace, alors que pour la toute première fois, il fut mené par Scott Zeron.

Après avoir fini troisième derrière Wiggle It Jiggleit et State Treasurer en éliminatoire, le cheval connut une course brutale lors de la finale Franklin pour terminer en dehors de l’argent, à plus de 10 longueurs du gagnant, Always B Miki.

« J’ai dit à mon père d’oublier celle-là, » dit Scott. « Il a été vraiment très bon en finale, nous avions une terrible couverture, et rien ne fonctionnait. Je lui ai dit qu’il pouvait se mesurer à ces chevaux, qu’il allait se racheter. Il ne nous faut qu’une meilleure course. »

Lors de la sortie suivante, soit la course du Haughton Memorial, il a fini à moins d’une longueur d’Always B Miki dans un mille et un huitième, en dépit d’avoir couru à l’extérieur durant la plus grande partie du mille.

« Ca ressemblait presqu’à une victoire. La rédemption, » dit Scott.

Ceci a mis la table pour la provocante course en U.S. Pacing Championship, d’où il s’est rallié de la cinquième place pour se propulser devant les trois grands et gagner par une longueur avec son meilleur temps en carrière, 1:47.l.

Remarquablement absent des festivités se déroulant au cercle du vainqueur toutefois, était Rick Zeron, qui n’a pas seulement fait de Shamballa un cheval de très haut niveau, mais qui fut le pivot dans le développement du conducteur qui a fait de lui un gagnant de courses ‘stakes’.

« J’avais une trotteuse de trois ans qui participait à une course en Ontario, et je voulais voir si elle était assez bonne, » dit Rick. « Scott me dit qu’il me voulait là-bas, mais c’était sa journée. Nous avons préparé Shamballa, il a fait le reste. C’est un grand conducteur. Il n’avait pas besoin de moi sur ses talons. »

Scott dit ne pas avoir insisté. « Je ne lui dirais pas de renoncer à un programme de course pour cela. Les conducteurs manquent beaucoup de choses. Nous avons toujours eu une bonne relation. Il ne m’a pas poussé à devenir conducteur. C’est une tâche difficile. J’étais tellement mauvais quand j’ai débuté, et il a été d’une telle patience, ne se fâchant jamais. Ce fut crucial. »

Rick, qui a mené presqu’exclusivement Shamballa au cours des deux dernières années, dit que c’est le cheval de Scott pour le reste de l’année. »

Scott est d’un avis différent. « Le Canadian Pacing Derby entre en conflit avec le Yonkers Trot (dans laquelle Marian Marauder doit courir), alors je lui ai dit qu’il devait redevenir son cheval. »

Deslauriers ne s’en fait pas que ce soit l’un ou l’autre qui mène. « Les deux connaissent ses caprices et ont fait de l’excellent travail, » dit-il.

« Rick Zeron est un incroyable homme de chevaux et il a une bonne équipe. Si j’ai un autre cheval comme lui, je le lui envoie,» dit Deslauriers, qui possède présentement quatre chevaux.

Zeron dit que sachant maintenant comment tout s’est joué, il serait allé à l’Hambletonian. Il ira dans l’avenir, dit-il, mais pas nécessairement pour être sur la photo après une autre victoire majeure de son fils.

« L’Hambletonian est aussi encore un de mes rêves, » dit-il. « Si j’ai un trotteur assez bon pour y courir, je pourrais devoir dire à Scott de le mener. »

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