Le Prix D'Été:Légendaire

Plusieurs des meilleurs chevaux de course de l’histoire, ont compétitionné lors du Prix d’Été. À la lumière de la nouvelle de sa revitalisation et sa restauration en 2014, nous faisons une rétrospective sur l’événement – un important chapitre de l’histoire des courses canadiennes.

Par Paul Delean / Traduction Louise Rioux

Sur un mur de sa résidence d’Orford, au Québec, le professeur d’université à la retraite, Louis Ascah, conserve un programme de course encadré et datant de 1967. Il est ouvert à la page listant les chevaux inscrits à cet événement de marque cette année-là à l’hippodrome Blue Bonnets de Montréal, l’Amble du Centenaire doté d’une bourse de 50 000 $.

« Romulus Hanover l’a gagné en 1:57.1, un record canadien et le temps le plus rapide réalisé par le conducteur Billy Haughton à ce stade-là de sa carrière. C’était comme si nous avions regardé le Rocket, Maurice Richard, compter son 50e but. Quel accomplissement. Il y avait 27 000 personnes, » dit Ascah.

Au cours des années suivantes, il a rarement manqué l’événement signature des courses du Québec, lequel durant plusieurs années, fut la course sous harnais la plus riche au Canada. Tout a commencé en 1966 alors que le Prix d’Automne fut rebaptisé l’Amble du Centenaire en 1967 pour devenir le Prix d’Été en 1968. À l’origine une course pour ambleurs plus âgés, (Bret Hanover en ayant été le gagnant de la course initiale), fut convertie en une course ‘stake’ pour ambleurs de 3 ans en 1971 et est ainsi demeurée jusqu’à sa cessation en 1993, durant une grève des hommes de chevaux.

« Mes souvenirs du Prix d’Été ne tiennent pas qu’à un cheval en particulier, mais bien à l’enthousiasme qui était bâti avant, » dit Ascah. « Dans ces temps précédant la diffusion en simultané et Internet, la visite annuelle des champions était la seule occasions que nous avions de les voir. Aussi, durant cette période, les journaux couvraient amplement les courses sous harnais alors que des pages et des pages étaient remplies de photographies et d’articles présentant les participants durant les semaines le précédant. Nous étions gonflés à bloc tout comme d’autres l’auraient été pour les stars du rock ou la royauté. »

Comme bien d’autres, Ascah est des plus heureux à l’annonce de la renaissance du Prix d’Été en 2014 après une absence de plus de deux décennies, bien que dans un format différent et un endroit différent.

Le Jockey Club Québec présentera son Prix d’Été inaugural le 21 septembre à l’Hippodrome 3R à Trois-Rivières. La course s’adressera aux ambleurs de 4 ans et la bourse sera de 200 000 $.

« Je pense que le Prix d’Été, pour bien des Canadiens et Américains, symbolisent le meilleur des courses sous harnais au Québec. C’est aussi ce à quoi nous aspirons. C’est pourquoi nous avons repris le nom, » dit le président de JCQ, Tony Infilise.

Au départ, l’idée était de le faire revivre en tant que course pour 3 ans, mais il n’y avait pas vraiment de date au calendrier pour présenter une autre course ‘stake’ pour les 3 ans, et la bourse n’aurait peut-être pas été assez importante pour attirer les meilleurs, de dire Infilise.

Par contre, les quatre ans ont peu de courses exclusivement pour eux, et leurs entourages apprécieraient sûrement une pause dans le fait d’avoir toujours à se mesurer au même groupe fort des ambleurs plus âgés semaine après semaine.

« Nous essayons quelque chose de différent et bien que nous ne soyons jamais totalement certains du résultat, nous sommes très enthousiastes, » de dire Infilise. « Nous espérons prendre de l’avance ici et donner l’occasion aux meilleurs ambleurs de 4 ans de se mesurer l’un contre l’autre et de s’illustrer. Selon la formule de l’ancien Prix d’Été, nous avions les meilleurs. Selon la nouvelle, nous espérons aussi avoir les meilleurs. Pensez si seulement Captaintreacherous venait à 3R. Sa visite rehausserait vraiment notre profil, ce que nous tentons de faire cette année puisque nous avons décidé de rendre notre signal disponible dans le reste du Canada. Nous voulons également en faire une expérience positive pour tous les participants ainsi que leur entourage, soit un week-end événementiel bien rempli.

Bien que le deuxième chapitre du Prix d’Été reste encore à écrire, le premier a fait le plein de coups fumants, rempli de trames historiques et de personnalités y ayant fait

1972 La première course sous harnais au Canada dotée d’une bourse de 100 000 $ s’est révélée une épreuve de force classique entre Silent Majority et Strike Out, des rivaux depuis leur toute première saison et de propriété locale en plus. Silent Majority était la propriété de Irving Liverman et Aline White, dont Roger, son mari, avait sélectionné et entraîné le cheval mais qui est décédé l’année précédente dans un écrasement d’avion. Strike Out appartenait à John Hayes et les frères Shapiro de Montréal, Robert, Conrad et Leo. Mais le très attendu duel ne s’est jamais concrétisé. Silent Majority n’était pas à son meilleur et n’a jamais été menaçant alors que Strike Out et son conducteur, Keith Waples, ont facilement dominé Bob Hilton. Strike Out a encore une fois battu son éternel rival cette année-là mais Silent Majority l’a défait trois fois pour se mériter le titre de Champion du Canada des 3 ans. Strike Out, dont les victoires comptaient le Little Brown Jug, s’est mérité cet honneur aux États-Unis.

1973 La fin de course la plus serrée de l’histoire du Prix d’Été, les dix partants étant séparés par cinq longueurs. Armbro Nadir, qui était entré dans la course un petit peu comme une quantité négligeable mais qui allait devenir Cheval de l’année du Canada, a gagné par une longueur après une course à l’extérieur pour le conducteur Nelson White avec une cote de 13-1, défaisant Rob Ron Ritzar et le favori Ricci Reenie Time devant plus de 20 000 amateurs. Le temps, 1:56.1, fut le mille le plus rapide couru au Canada à l’époque. Sur le site web Recollections by Robert M. Smith, White dit qu’il a conservé les quatre fers d’Armbro Nadir (même celui qu’il avait perdu durant la course) qu’il a fait chromer par un ami et qui sont encore suspendus sur le mur de sa chambre. Il a aussi le tapis de selle que Armbro Nadir portait.

1974 Aucune jument de 3 ans n’a jamais remporté le Prix d’Été, mais un cheval bien spécial en est venu bien près. Il s’agit de la formidable Handle With Care, propriété de Irving Liverman, qui a gagné une course éliminatoire pour ensuite finir troisième derrière Armbro Omaha et dont le résultat final a nécessité une photo-finish comprenant six chevaux, battus par environ une longueur.

1979 Une photo du conducteur Hervé Filion, debout sur son sulky alors qu’il se dirige au cercle du vainqueur avec Hot Hitter, après avoir réalisé le mille en 1:54, un record mondial, est très révélatrice. Filion était alors au sommet de son sport, et prenait grand plaisir à célébrer lors d’une rare visite dans la province où tout a commencé pour lui.

1980 Niatross n’a perdu que deux courses au cours de carrière historique, et le Prix d’Été n’allait pas être une d’elles. Il est arrivé à Montréal après une victoire facile par 21 longueurs de Syracuse, N.Y., en 1:52.4, le mille le plus rapide jamais couru, et rien ne pouvait l’arrêter au Prix d’Été. Il a gagné par six longueurs sur Trenton Time et Justin Passing en 1:53.4, un record canadien. Plus de 21 000 personnes étaient présentes pour en témoigner.

1982 La division des 3 ans n’avait pas de leader officiel avant, mais elle en avait un après. Une inscription supplémentaire de 20 000 $ accompagnée de son propre fan club a, de façon non équivoque, gagné par deux longueurs sur Icarus Lobell. « Nous n’avons rien à prouver à quiconque maintenant, » dit le copropriétaire Norm Clements. C’était le début d’une campagne magique pour le grand Cam Fella.

1984 On the Road Again était le cheval à battre et Butler BG l’a fait, même négligé. Conduit par Ted Wing dans son unique participation au Prix d’Été, le favori à 50-1 a été propulsé en avant lors de la finale. « Il pouvait décoller comme un avion et telle était ma mission. J’ai dépassé On The Road Again au premier tournant et je n’allais pas le laisser regagner sa place. Je sentais toujours son nez sur mon casque. De façon générale, vous ne voulez pas avoir le meilleur cheval dans le cou, mais deux autres chevaux sont montés de l’extérieur et Boddy (Gilmour, conducteur de OTRA) a été emboîté et a donc dû reculer pour se retrouver en troisième position. Quand cela s’est produit, je suis reparti, » dit Wing. Butler BG a tenu le coup et a gagné par un quart de longueur sur Andrel tandis que On The Road Again a terminé cinquième, battu par une longueur. « J’ai regardé et regardé ce ruban magnétique jusqu’à ce qu’il se casse, » dit Wing, maintenant âgé de 65 ans. « La photo est encore sur mon manteau de cheminée. Ce fut une grande course pour chacun. Je me souviens qu’il y avait immense foule. »

1986 Armbro Emerson, non annoncé, à une cote de 18-1 au tableau, a rebondi après une disqualification la semaine précédente lors d’une élimination de la Conference Cup, pour enregistrer une victoire stylée par un cou lors de la finale du Prix d’Été, couru dans la boue. C’était la plus grande victoire en 18 ans du conducteur Walter Whelan, qui a lancé son fouet tout juste passé le fil d’arrivée en guise de démonstration de sa joie. « Je me sentais très bien. C’était par une journée venteuse et froide, mais nous avons pris notre revanche. C’était la victoire dont nous avions besoin après les événements de la semaine précédente, » dit Whelan. Armbro Emerson a couru à l’extérieur dès le poteau au quart de mille, fatiguant le meneur Amity Chef. « Je n’ai jamais pensé qu’Amity Chef était aussi bon que le crédit qu’on lui accordait, alors mon plan était de lui mettre de la pression et de le tester. Et ça très bien fonctionné, » dit Whelan. Le favori Barberry Spur, qui semblait intouchable après une victoire facile dans une des courses éliminatoires, n’a jamais été une menace et a fini troisième. Il allait être disqualifié plus tard pour avoir testé positif au dimethyl sulfoxide (DMSO), couramment utilisé comme onguent pour les pattes. Ses propriétaires ont interjeté appel sur la disqualification et la perte subséquente de la bourse de 104 000 $, mais ils ont été déboutés.

1987Immortalisé sur YouTube comme étant « l’accident de course sous harnais de 1987, » ce fut le Prix d’Été mieux reconnu pour ses chutes que pour ses frissons. Le cheval gris, Laag, cheval qui, ne donnait jamais de répit à son conducteur, a frappé la roue de Rumpus Hanover dans l’entrée du premier tournant, provoquant une réaction à la chaîne en piste arrière, poussant le conducteur John Campbell hors du sulky de Banker Blue Chip et par-dessus la clôture de l’intérieur du circuit. Tandis que les quatre chevaux ayant évité le chaos s’éloignaient, Banker Blue Chip continuait sa course avec un sulky vide, ce qui l’a éventuellement projeté sur la rampe, avec le résultat que le cheval s’est aussi retrouvé à l’intérieur de la piste. Ni le cheval ni son conducteur ne furent sérieusement blessés. Le cheval de feu Frugal Gourmet a résisté et a gagné la finale sur Jate Lobell. Laag, mené par Richard Farrington, a été tenu responsable de l’accident et fut disqualifié et perdit la bourse de 10 960 $ pour sa cinquième place, montant qui a été redistribué aux trois participants n’ayant pas terminé la course. Son propriétaire Albert Adams accepta la défaite avec grâce. « C’est une course de chevaux, et tout peut arriver. Rien n’est jamais gagné. Gagne, perd ou tirage au sort, nous passons quand même une belle journée, » dit-il.

1988 Runnymede Lobell, de propriété québécoise, s’est amené dans la course avec une séquence victorieuse de neuf courses, mais c’est un autre québécois qui a volé le spectacle. Aux rênes de Matts Scooter, Michel Lachance, 37 ans, a défait le favori local par deux longueurs dans la finale. « C’est la plus grande émotion de ma vie, » dit Lachance. « Je suis à la maison. C’est une course que j’ai toujours rêvé de gagner depuis la toute première que j’ai vue alors que je n’étais qu’un petit garçon. » Il en a gagné une

1990 Le conducteur Bill O’Donnell, intronisé au Temple de la renommée, n’a jamais gagné un Prix d’Été, mais cette édition demeure un très bon souvenir pour lui. Il a fini deuxième derrière le grand Beach Towel dans la finale contre Scoot Outa Reach à 95-1. « Nous avons été bloqués lors de la première manche et avons tout juste fait la finale. Les propriétaires voulaient le retirer de la finale mais j’ai dit il peut partir, bien se placer, et qui sait. Je pense que nous avons couru le premier huitième en environ :12.3 et je me souviens avoir pensé « qu’est-ce que nous allons vite ». Puis Beach Towel est passé et nous sommes restés en deuxième et avons résisté. Ce fut une assez bonne journée finalement. Le cheval a gagné 80 000 $. Un très bon cheval a terminé en dernier lors de cette course : Camluck.

1991 Il s’agissait d’une seule manche pour tout remporter, et la position de départ était la clé. Die Laughing a obtenu l’intérieur et le conducteur Richard Silverman a clairement annoncé qu’il n’allait pas céder sa place à Artsplace sans une dure lutte. Artsplace a attaqué dès le premier quart mais n’a pu le doubler et s’est retrouvé en troisième place au moment où Die Laughing réussissait un temps de 1:51.2.

1992 Le dernier Prix d’Été mit fin à la sécheresse de John Campbell. La cote du conducteur dominant de son époque était à 0-pour-10 dans la course avant de finalement percer avec Direct Flight. « Ce n’était pas si mal après tout. J’ai fini deuxième cinq fois, » rappela-t-il aux reporters. Bullvons Dream, qui a gagné une éliminatoire et a fini deuxième lors de la finale, a collecté 192 125 $ ce jour-là, un sommet dans la carrière d’un conducteur en pleine ascension. « C’est quelque chose dont je me souviendrai toujours, » dit Rick Zeron.

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