un recommencement

Dans une nouvelle ferme et une nouvelle province, Pat Lang, âgé de 60 ans, et son épouse Lise à ses côtés, utilisent à plein quatre décennies d’expérience équine. Après que la très grave situation des investissements au Québec les ait forcés à se départir de leur paradis de 100 acres à Dewittville, le couple a retrouvé une nouvelle jeunesse et une nouvelle sorte de paix dans la réputée ferme d’Ontario, Tara Hills.

By Paul Delean

Traduction: Louise Rioux


Pat Lang n’est pas du genre nostalgique, tant mieux. Cela facilite les choses quand il faut plier bagages et laisser derrière soi tout le travail d’une vie au Québec.

Lang a très certainement perdu quelques illusions en cours de route – y compris Illusion Farm, une étendue de 100 acres des plus pittoresques située dans la communauté du sud-ouest du Québec, Dewittville, qui a constitué le cœur même de son exploitation d’élevage et de course durant 30 ans – mais pas le plaisir quotidien de travailler avec des standardbreds, ce qu’il fait présentement à l’étalonnerie de Tara Hills à Port Perry, Ontario.

Lang et Lise, mari et femme depuis 40 ans, se sont joints au personnel de Tara Hills tout juste avant Noël. Lui s’occupe des étalons, et elle, des juments poulinières. « Les gens paraissent surpris de me voir faire cela après toutes ces années où j’étais mon propre patron, » dit Lang, âgé aujourd’hui de 60 ans. « Cela m’a été assez facile. Nous sommes entourés de gens formidables et de chevaux champions. Nous habitons un bel appartement à la ferme. C’est bon de toucher un salaire après m’être payé, durant tant d’années, un maigre salaire de 300 $ pour sept jours d travail, investissant tout le reste dans la ferme et les chevaux. Je n’avais pas les moyens de me payer le salaire qu’ils me versent maintenant. « La seule décision que j’ai à prendre chaque jour est de décider de ce que je vais manger aujourd’hui. Je n’ai plus à traiter avec les huissiers, banques, avocats, TPS ou TVQ, mais je travaille encore avec Lise quotidiennement. Comment un homme peut-il être aussi chanceux? »

À l’instar de tant d’autres hommes de chevaux du Québec, Lang a lutté autant comme autant pour empêcher que sa ferme ne suive le sillage de l’éclatement de l’industrie des courses et de l’élevage à l’échelle provinciale en 2008. L’an dernier, il a finalement laissé tomber la serviette. « J’avais une ferme d’une capacité de 50 têtes, et j’essayais de la faire fonctionner avec 10, » admet-il. « Sans programme de courses ‘stakes’ au Québec, les chevaux qui me restaient ont été dévalués. Il n’y avait plus d’investisseurs, puisque tout le monde de la province se retirait. Je perdais 2 000 $ pas mois à essayer de faire l’impossible pour maintenir une exploitation équine au Québec. Finalement, je me suis simplement dit ‘j’arrête tout.’ J’ai tout vendu, fort probablement en deçà de sa valeur réelle, et cela pour nous enlever ce fardeau des épaules. Mon vétérinaire était en pleurs quand je le lui annoncé, mais j’ai dit ‘pourquoi est-ce triste’? C’est la fin, c’est terminé, fini. C’était un endroit magnifique, le plus bel endroit sur terre, et nous y avons vécu 30 belles années. Je n’ai aucun regret sur notre vie là, mais il est maintenant temps de passer à autre chose. Nous y avons eu une très belle vie et nous en aurons une autre ici aussi. Je vis au présent. Je ne pense pas à l’avenir ou mieux encore, je ne pleure pas sur le passé. »

La vie du couple compte plusieurs réalisations très importantes sur la piste, mais comprend aussi des épisodes de douleur extrême par exemple lors de la mort de leur fils unique dans un accident de ferme à l’âge de 11 ans. Chester Boy, un ambleur de 3 ans que Lang a élevé, entraîné et dont il était copropriétaire, a gagné la course la plus riche du Québec en 1997, la finale de la Coupe des Éleveurs à Blue Bonnets, pour se voir disqualifier et placé dernier pour une présumée infraction par rapport à une borne, qui était absolument invisible sur les vidéos des juges. Il a porté sa disqualification en appel, dépensé plus de 30 000 $ en frais légaux, mais les cours l’ont finalement maintenue prétextant que la décision prise n’était pas ‘déraisonnable’.

En 2005, Lang a subi une fracture du cou après avoir été projeté du sulky lors d’une course à Rideau Carleton Raceway. Il s’en est remis, mais ce fut la fin de sa carrière de conducteur. Leur cohorte de 22 juments poulinières fut dispersée parce qu’elle demandait trop de travail de la part de Lise tout le temps qu’a duré sa guérison.

Deux ans plus tard, Lang est tombé de son siège alors qu’il amenait un cheval sur la piste d’entraînement à sa ferme, se cassant le bassin. Une hémorragie interne et une infection ont empiré les choses. Durant sa convalescente, un de ses deux frères, soit Scot, le musicien, est décédé à l’hôpital des suites d’une maladie du foie à 54 ans, après s’être battu toute sa vie contre la dépendance.

Alors que bien d’autres auraient pu craquer des suites de ces assauts physiques et émotionnels, Lang a persévéré. « Si vous n’avez jamais connu de grandes difficultés, » dit-il carrément, « d’où vous viendra le courage? »

Il a toujours cru en son talent de développeur de chevaux de course, se perfectionnant toujours dès le moment où il a été embauché pour gérer l’exploitation d’accouplement à la Glenco Farm de George Henderson, à Howick, Québec, à l’âge de 20, et qui s’est confirmé à travers les ans par le succès de chevaux tels Hanko Angus, Chick N Tell, Nuke It Linsay, Nuke It Freddie et Chester Boy. Par trois fois au cours des années 1990, des chevaux de la petite ferme de Lang ont gagné les courses les plus importantes de l’année pour des chevaux d’élevage québécois, les finales de la Coupe des Éleveurs, et il en aurait récolté quatre si l’apparente victoire de Chester Boy avait compté.

FILS DE SOUDEUR, LANG A GRANDI DANS LES ENVIRONS LES PLUS pauvres et les plus durs de Montréal Est. C’est un endroit qu’il a voulu quitter en très bas âge. « Tout le monde là-bas travaillait pour les pétrolières; je ne voulais en aucun cas être de ceux-là. La négativité qui régnait dans l’est, la certitude qu’il était impossible d’arriver à quelque chose, était constante. Certains l’acceptaient; moi je m’en suis défendu. Je prends mes décisions très rapidement, et je ne fais jamais ce que je ne veux pas faire. »

L’hippodrome du Parc Richelieu fut son échappatoire tout indiquée. Il allait à l’hippodrome de l’est de Montréal avec son père et ses oncles et ça lui était irrésistible. « À 11 ans, je prenais l’autobus à 5 h 30 du matin pour arriver à l’hippodrome à 6 h pour y travailler, » de dire Lang. « J’ai toujours su ce que je voulais faire. » Arès son secondaire, il s’est dirigé vers l’ouest canadien, où une rencontre avec la chance, soit le propriétaire d’un moulin à scie du nom de Pat Brennan de Squamish, Colombie-Britannique, l’a mené à un emploi auprès d’un membre du temple de la renommée, Joe O’Brien.

« Me voici dans le bureau de cet homme, à la recherche d’un emploi au moulin, et tout à coup j’aperçois la photo d’un standardbred accrochée au mur, » dit Lang. « Je lui dis ‘ce que j’aimerais vraiment serait de travailler auprès de vos chevaux. Parce que je suis un homme de chevaux.’ Il m’a demandé ‘voulez-vous travailler pour Joe O’Brien?’ Il appelle immédiatement Joe qui se trouve en Californie, et dit ‘ as-tu besoin d’un homme?’, alors Joe lui dit ‘pose-lui une question. Bois-tu?’ J’ai répondu non. Il dit ‘envoie-le moi.’ Je n’avais pas d’argent, mais j’étais bien trop fier pour le dire, aussi cela m’a pris trois jours pour me rendre en Colombie-Britannique, en autostop. C’était en plus durant la période des meurtres commis par Charles Manson, et personne ne voulait faire monter d’autostoppeurs. »

Après sa période avec O’Brien, Lang est revenu au Québec et a travaillé pour l’entraîneur Roach MacGregor. Quand MacGregor est retourné dans les provinces Maritimes, Lang est resté. « J’avais entendu dire que M. Henderson était en train de construire une ferme d’élevage à Howick, alors je suis allé me présenter et lui ai offert mes services. Il me dit qu’il s’en allait en Europe, et de revenir dans deux semaines. Je lui dis ‘c’est vendredi… d’ici lundi, je travaillerai, si ce n’est pas pour vous, ce sera pour quelqu’un d’autre.’ Il m’a embauché sur-le-champ. Lise et moi nous occupions de l’accouplement. Percy Robillard était l’entraîneur. Lang est resté au service de Glencoe Farm durant une décennie, supervisant le livre de service des étalons étoiles tels Primo Hanover, Elesnar, Glencoe Pride’s Boy et Glencoe Skipper. « Il y avait 10 chevaux quand j’ai commencé et plus de 100 quand je suis parti en 1981. »

Après avoir lancé sa propre écurie de course, Lang s’est fait remarqué à Montréal avec des chevaux comme Calm Seas et B Crafty.

Les années ’90 ont été ses années bénies en tant qu’éleveur, homme de chevaux et d’affaires, avec des victoires en Coupe des Éleveurs avec Nuke It Linsay, Nuke It Freddie et Piranha Pat, et des ventes privées très payantes (Nuke It Linsay à des intérêts allemands, et sa mère Atomic Reactor à la Hanover Shoe Farm). Lang n’hésitait jamais à vendre une part ou la totalité, des chevaux qu’il achetait ou élevait. Il est le premier acheteur et entraîneur du trotteur d’élevage québécois Hanko Angus, un cheval qu’il avait payé 10 000 $ et qui a gagné le Maple Leaf Trot et 1 M $ en bourses, bien qu’il ait vendu sa part avant que le cheval fasse la majorité de son argent. Il a aussi des intérêts dans un autre trotteur millionnaire, Chick N Tell; sa ferme a élevé le cheval, généré par un étalon qui était en service à la Ferme Illusion, Glory B River (produisant aujourd’hui des roadsters en Pennsylvanie.)

Les dernières années toutefois, lui ont apporté bien plus de ratés que de grands succès, et Lang admet que cet état de fait commençait à l’affecter. « Après avoir cessé de conduire, il n’y avait plus d’adrénaline en moi. J’aimais conduire. Je coursais des chevaux moyens à Ottawa, juste pour gagner ma vie. Je ne travaillais plus avec des champions, et ce n’est vraiment pas pareil. »

Lang a contacté Tara Hills lui-même au cours de la période des ventes l’automne dernier, après avoir finalement concédé que les chiffres n’allaient jamais plus augmenter au Québec.

Comme par hasard, Tara Hills avait justement besoin de quelqu’un pour remplacer le gérant des étalons, Terry McVeay. « Tout de suite, lorsque j’ai rencontré David Heffering et le gérant de la ferme, Matt Harrison, un bon contact s’est établi » dit Lang.

Il dit trouver cela très stimulant d’être entouré de « jeunes gens brillants et instruits. » L’industrie de l’élevage a beaucoup changé en 10 ans. J’apprends beaucoup de ces jeunes hommes. Et je crois, qu’avec toute notre expérience, nous avons beaucoup à leur offrir. Les étalons ici, sont quelque chose d’autre. Au-delà de 20 M $ en gains. Ce ne sont pas des chevaux ordinaires, et je sais reconnaître et apprécier cela. Mister Big est peut-être l’animal le plus parfait que j’ai eu l’occasion de voir dans ma vie. »

Il jouit aussi de la liberté qu’offre une vie simple. « Je suis heureux comme un roi et tout ce que nous possédons à l’heure actuelle, c’est une voiture et un cheval. »

Ce cheval, E W Fisher, pourrait bien écrire un nouveau chapitre du livre d’histoire de Lang. De retour d’une déchirure de ligament qui l’a tenu à l’écart durant huit mois, ce fils de 5 ans de l’ancien étalon québécois Fool Me Not a trotté vers une victoire impressionnante en 1:54.3 à Woodbine le 21 janvier.

Entraîné par Rick Zeron, celui-là même qui a fait un millionnaire de Hanko Angus, E W Fisher a été élevé par Lise et nommé d’après une bienveillante locatrice qui avait accepté de diminuer le loyer pour sa famille à « selon ce que vous avez les moyens de payer, » à un moment de grand besoin. Elle est restée une amie de la famille jusqu’à son décès à l’âge de 99 ans.

« Le cheval a été nommé en son honneur juste avant son décès. Il provient de la dernière récolte que nous avons élevée, » de dire Lang. « Je l’ai envoyé à Rick dans l’espoir d’en faire un cheval à réclamer de 50 000 $ à 75 000 $, mais il semble penser qu’il vaut plus que cela. Rick est la seule personne que j’ai rencontrée à avoir plus de confiance que moi, ce qui est la raison pour laquelle le cheval est avec lui. Parce qu’il croit. »

Ce ne sera pas le dernier chapitre, non plus, d’insister Lang. « Je pense que mes meilleures années sont devant moi, » dit-il. Dans une nouvelle ferme et une nouvelle province, Lang qui a maintenant 60 ans, dit qu’il se sent rajeuni. « Je crois que ça devait arriver, » dit-il. « Si j’avais tardé pour appeler Tara Hills, le poste aurait très bien pu avoir été déjà comblé, et je n’aurais rien eu à démontrer de mes 40 années de travail. Je ne suis pas très religieux, mais j’ai la foi, parce que quand nous avons besoin de quelque chose, ça semble tomber du ciel. »

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