POINT DE VUE: Engagés sur la mauvaise voie à Montréal

Il y a un an, j’étais convoqué dans la deuxième plus grande ville du Canada, pour participer à une rencontre à l’Hippodrome de Montréal. J’ai pris le dernier vol en partance de Pearson sur l’Aéroport International Pierre-Elliott-Trudeau à Montréal. Je me suis enregistré à un hôtel en face de la piste, boulevard Décarie.

Le matin venu, j’ai marché vers l’hippodrome; j’ai vu quelques chevaux à l’entraînement par un vent très froid. L’hippodrome m’est apparu tel que je l’avais constaté lors de mes dix précédents voyages et plus au cours des douze dernières années : parvenu à limite d’usure et détérioré, mais toujours aussi édifiant. Cette vénérable institution avait connu des jours meilleurs, mais j’en étais certain, d’autres pointaient à l’horizon.

Je suis entré dans une salle de conférence où attendaient une douzaine d’administrateurs de piste, crayons bien aiguisés. La réunion avait été convoquée à la hâte pour planifier un événement que l’hippodrome souhaitait organiser en collaboration avec le congrès de la Standardbred Wagering Conference (Comité sur le pari Standardbred), qui devait se tenir quelques mois plus tard.

L’énergie qui se dégageait de la salle était à son comble, les chefs de service lançant leurs idées pour la tenue de l’événement. Un programme de courses spécial serait organisé pour accueillir des délégués en provenance de toutes les régions du monde, de même qu’un fabuleux dîner serait offert, un grand concours pour les pronostiqueurs ainsi que des épreuves extrêmes, voilà des éléments faisant partie des projets. L’administration voulait profiter de cette soirée pour faire connaître l’hippodrome aux représentants internationaux et aux diffuseurs en simultané en Amérique du Nord et ailleurs. Ce fut l’une des réunions les plus fructueuses auxquelles il m’a été donné de participer au cours des récentes années.

En réalité, presque tout ce que Attractions Hippiques a fait durant sa première année d’exploitation était de première classe. Des présentations marketing visionnaires, des rencontres de presse élaborées, du divertissement spectaculaire et de merveilleuses réceptions inaugurales. Chacune de ses promotions reflétait une touche professionnelle rarement vue dans les cercles des courses de chevaux. Et l’argent, manifestement, coulait à flot pour produire l’effet désiré.

Puis tout s’écroula.

Quelques semaines plus tard, nous avons été informés que Attractions Hippiques n’avait plus les ressources financières pour commanditer l’événement ou même aider à l’organiser, bien qu’ils aient consenti à présenter le programme de courses.

Très vite, les nouvelles ont empiré, et de façon significative, la compagnie s’étant placée sous la loi de protection contre ses créanciers. Il y eut d’importantes réductions de personnel et une bataille s’est engagée entre l’hippodrome, le gouvernement et les gens qui courent et élèvent des chevaux dans la province. La situation s’est très rapidement détériorée.

Aujourd’hui, le sénateur Paul Massicotte n’est certainement plus le chevalier blanc de l’industrie des courses. Le plan de sauvetage, concocté par un administrateur nommé par le tribunal, RSM Richter, comporte un appel pour mettre un terme aux courses de chevaux à Montréal. Le gouvernement provincial semble favorable à ce plan et jusqu’à ce jour, lui offre une réponse positive, alors que tant le gouvernement que Attractions Hippiques qualifient l’idée comme étant la seule façon de sauver les courses de chevaux dans la province.

Sans égard aux motifs invoqués, la proposition de fermer l’Hippodrome de Montréal pour le remplacer par des ALV et un salon de pari, est honteuse. On parle de Montréal ici, une ville avec une riche histoire hippique et aux possibilités évidentes de leadership en Amérique du Nord. La fermeture de la piste de Montréal serait un revirement dévastateur pour l’avenir des courses de chevaux au Canada. D’autant plus que les groupes de lutte contre le jeu compulsif s’en trouveraient confortés puisqu’ils considèrent la proposition sur les ALV comme un minicasino ayant comme cibles les résidents à faible revenu de la ville.

C’est un problème qui ne devrait pas reposer uniquement sur les épaules des hommes de chevaux ou les éleveurs du Québec. C’est un dilemme national pour quiconque se soucie du sport. Une perte à Montréal est une défaite majeure pour nous tous et marquerait l’un des plus durs coups que le sport ait reçu au cours des cent dernières années.

Je ne suis pas un partisan de la privatisation des hippodromes, le profit et le bien du cheval de course étant des compagnons de lit difficiles, considérant particulièrement les recettes actuelles. Au début, je croyais en Attractions Hippiques et en sa vision d’avenir. Aujourd’hui, je suis déconcerté et guère impressionné.

Si une entreprise a une réelle ambition de rebâtir l’industrie au Québec, elle ne doit pas baisser les bras quant à la présence de Montréal. Se laisser fléchir concernant les courses dans la deuxième plus grande ville au pays, correspond à n’être qu’à quelques pas de jeter la serviette sur les courses de chevaux. Et pour cela, je crois que nous devrions tous être en colère.

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