Le cheminement de Eric Carlson

Il peut sembler qu’Eric Carlson se soit ­rapidement – et discrètement – imposé en tant qu’un des meilleurs conducteurs d’Amérique du Nord, mais son succès instantané est le fruit de deux décennies de développement.

Traduction: Louise Rioux

Bien que personne dans son service ne fût plus averti, le fabricant de pièces d’automobile qui travaillait l’après-midi, ne le faisait qu’en apparence seulement. Son travail était une nécessité, un moyen d’arriver à ses fins – une méthode exaspérante par laquelle il cherchait à atteindre ce qu’il voulait, vraiment. Ce n’était pas un choix de carrière ni un engagement à long terme, et pendant qu’il était là, tout ce à quoi il pensait était le moment où il s’en libérerait.

Il ne s’agissait pas d’un mauvais emploi, en fait. Il reconnaît qu’il était chanceux de détenir ce type de travail et il appréciait chacun des chèques qui était déposé par la compagnie dans son compte. Il fut bien récompensé pour ses efforts et reconnaissant que cette entrée d’argent régulière a tenu les agents de recouvrement éloignés alors qu’il se constituait des économies pour l’avenir.

Ce n’était certes pas une tâche difficile. Là n’était pas le problème. Son travail consistait à équilibrer les pièces d’alternateurs – ultimement destinées à être boulonnées sous le capot de la voiture de quelqu’un d’autre qui l’utiliserait pour se rendre à son propre travail.

Mais de son poste de travail chez le fournisseur de pièces d’automobile, il attendait le jour où il pourrait jeter sa carte de pointage aux rebus en passant la porte. Tout ce qu’Éric Carlson voulait était de faire courir des chevaux. Et ce présent travail représentait simplement le moyen pour y arriver.

En 1974, alors que paysage politique américain était trouble suite à la démission du président Nixon, et que les mordus de film attendaient la suite au classique Le parrain, Robert Carlson acheta une ferme.

Sa fille, tout naturellement, allait se retrouver avec un cheval. Ce cheval en était un de course à la retraite qui avait des problèmes de condition physique, et qui avait été donné en cadeau à l’aînée des Carlson par le beau-frère de Robert. Au cours des années qui ont suivi, la famille a utilisé son seul cheval par pur plaisir, et avant longtemps, leur chemin a croisé celui de C. J. Osbourne du Michigan – à l’époque, une puissance dans la hiérarchie des courses de l’état des Grands Lacs.

Peu de temps après, Robert acheta une poignée de chevaux de course et connut quelques succès avec un cheval réclamé de classe moyenne; mais il semble que plus que tout autre chose, ses tout premiers jours à la ferme auront suffi à son fils aîné pour décider de son avenir dans l’industrie des chevaux.

Ses enfants – Christina, Eric et David – pratiquaient les sports équestres et montaient des poneys au Michigan Pony of The Americas Club; les démonstrations de fin de semaine et les compétitions régionales leur ont beaucoup appris sur les chevaux, et ce, à un très jeune âge. Eric, de façon constante, se hissait au premier rang de son groupe d’âge alors que ses frères faisaient de leur mieux en équitation western, équitation ‘stock seat ‘ et ‘hunter seat’, ainsi qu’en gymkhana. « Ils ont appris sur les chevaux par la pratique, au dire de leur père aujourd’hui.

Quand Robert coursait, il emmenait presque toujours Eric avec lui, le faisant monter sur la voiture de réchauffement de leurs chevaux avant qu’ils se rendent à la barrière. Il avait le sentiment que de le faire participer activement à l’expérience en piste, était la seule façon de faire – et non pas de se tenir en spectateur passif à la clôture.

Des années plus tard, passées à équilibrer des alternateurs le jour, Eric rêvait encore de cette expérience. Et assez rapidement, il allait l’obtenir.

En 1999, Eric a gradué de l’Université du Michigan avec en poche, un diplôme en administration des organismes sportifs. Il a payé ses frais de scolarité en occupant des positions offrant un salaire décent, selon ce qu’il les appelle aujourd’hui, travaillant pour une société de prêts hypothécaires et éventuellement, le fournisseur de pièces d’automobile, ce qui lui faisait 60 heures par semaine, et lui procurait suffisamment d’argent pour acheter des chevaux peu chers comme ‘à côté’. Mais faire des choses ‘à côté’ signifie plus de travail, et plus de responsabilités – même si ces activités sont plus amusantes. « Je trimais réellement dur en travaillant à temps plein et travaillant aussi avec mes chevaux ‘à côté’ », admet-il. « Je menais mes chevaux et même ceux de mon père et pour une ou deux autres personnes. »

De fait, un de ces chevaux grimpa quelque peu l’échelle et lui gagna de l’argent dès l’âge de 25 ans, et il saisit dès lors l’occasion aussitôt qu’il en a vu la possibilité.

« Finalement, j’avais de l’argent de côté et cinq chevaux, » se rappelle-t-il, « j’ai donc signé mon départ volontaire pour y travailler à plein temps. J’avais attrapé la piqûre très jeune autour des chevaux de mon père, et je n’ai jamais pu m’en défaire. Courir a toujours été ce que je voulais réellement faire, alors j’ai fait ce qu’il fallait pour que cela se produise. »

Dix ans plus tard, Eric se classe parmi les 10 meilleurs conducteurs au Canada pour le nombre de victoires, dominant sur la scène nationale avec sa moyenne URS de 0.457, et est bien en voie pour s’emparer de la première position au Windsor Raceway pour la deuxième année consécutive à la fin de la saison en septembre. En comptant ses réalisations au sud de la frontière, la liste est encore plus intimidante. En route vers son accession aux titres du conducteur avec le plus de victoires tant au Raceway Park qu’au Northfield Park et étant en nomination pour le titre de Conducteur de l’année au Michigan en 2010, Eric a établi le record du plus grand nombre de victoires en un seul programme au Hazel Park Raceway en juillet dernier, franchissant le fil d’arrivée en ses 10 départs; il est présentement le sixième meilleur conducteur en Amérique du Nord pour le nombre de victoires, et le troisième conducteur le plus prolifique avec une moyenne URS de 0.401 alors qu’il se trouve au mitan de sa troisième saison millionnaire consécutive.

« Il y a plein de facteurs qui font un bon conducteur, » dit-il. « La patience en est sans contredit un, et la conjoncture du temps. Vous devez aussi connaître les chevaux qui forment le peloton et pouvoir prédire comment les choses se passeront même avant que la course ne commence. Je ne sais pas comment, exactement, l’écrire, mail il faut être alerte. Vous devez avoir cette habileté innée d’être athlétique et de pouvoir prendre des décisions en une fraction de seconde – afin d’être capable de bien réagir au déroulement de la course et bien positionner votre cheval selon les circonstances. Tous les bons conducteurs possèdent cette habileté. »

En 1997, quelqu’un lui a refilé une astuce. Quelques juges amicaux lui ont suggéré de s’essayer sur le circuit des expositions afin d’obtenir sa licence de conducteur; alors, cet été-là, la famille transféra ses chevaux sur ledit circuit. Le 17 juillet à l’exposition de Fowlerville, le jeune Carlson a donné à l’assistance, une démonstration de son potentiel. « J’ai réclamé de Paul Kennedy fils un cheval qui s’appelait Calamity Clyde, qui lui l’avait obtenu de Tommy Wine fils, » se souvient Robert. « Nous nous mesurions à un ambleur d’une course invitation conduit par Peter Wrenn et Eric l’a battu aux guides de Clyde tout en s’attaquant au record de piste. Il a alors créé toute une commotion. Les gens se disaient ‘qui est cet enfant qui a battu Peter Wrenn et cet ambleur de course invitation?’ Eric est devenu une sensation du jour au lendemain, au terme de probablement 17 années de cheminement ou plus. »

Mais avant, Carlson – qui a compétitionné en cross-country, en relais et qui était lui-même un coureur du mille alors qu’il était à l’école et au collégial –et qui avait fait le choix de ne conduire que les chevaux des autres, s’est bâti sa propre petite écurie et préparait son propre cheptel, embauchant son cousin plus âgé pour l’aider, John Potter. « Il y a 10 ans, il avait un cheval plutôt modeste, » dit Potter avec un sourire. « Il y a quelque dix ans, il avait un cheval à l’allure plutôt modeste. Je ne sais pas s’il l’avait obtenu lors d’une vente ou s’il l’avait réclamé, mais je me trouvais dans la remorque pour l’aider et il parlait toujours des grands conducteurs de relève et des grands entraîneurs, ce qui n’était surtout pas son cas, alors nous ne faisions qu’aller à l’hippodrome et se faire crier après et nous revenions à la maison. Alors, il a franchi tout un pas à partir de ses tout débuts jusqu’au point d’être en tête des conducteurs avec le plus de victoires en Amérique du Nord (à un certain moment cette année. »

« Je suis vraiment très fier de lui et je le regarde chaque soir en vidéo continu, » admet-il. « C’est devenu une partie de mes obligations de la soirée. Je regarde le basketball et je reviens à une autre course. Je reconnais vraiment ce qu’il a accompli. »

« Je n’ai jamais travaillé pour qui que ce soit et personne ne m’a vraiment enseigné quoi que ce soit à l’exception de mon père, » dit-il, à propos de son périple jusqu’à présent. « Il était un bon homme de chevaux, mais pour lui c’était un passe-temps et il n’a jamais possédé d’écurie importante. On parle d’apprentissage par essais, mais j’ai appris comment ferrer, comment faire le plus de travail vétérinaire possible par moi-même, et comment faire courir un cheval plus vite. »

­« J’ai continué de travailler vraiment fort avec ma propre écurie ne conduisant que mes propres chevaux avant que les gens commencent réellement à me donner ma chance avec les leurs, » ajoute-t-il; et aujourd’hui, il détient un sommaire d’entraîneur totalisant 622 392 $ en gains pour 158 victoires. « J’étais arrivé au point où j’aurais probablement pu mener un meilleur cheval de la même course que celle dans laquelle j’évoluais et les gens se disaient ‘comment ce gars-là a-t-il pu battre le favori 7-2 en partant de la sixième position avec un négligé à 15-1?’ Quand les gens ont commencé à réaliser cela et qu’ils m’ont donné des possibilités, j’ai commencé lentement à me départir de ma propre écurie, ma carrière de conducteur de relève étant lancée. »

Et lancée elle l’était. L’homme de chevaux athlétique, qui admet tâter d’autres pistes et d’autres marchés à la lumière des récentes difficultés survenues au Michigan, a appris à se vendre comme conducteur audacieux.

« Eric semble améliorer les chevaux et il obtient maintenant des chevaux des meilleures écuries du Michigan et des environs, » de dire Robert. « Tous les genres de propriétaires aiment l’utiliser parce qu’il ne fait pas que s’asseoir et puis bouger pour terminer cinquième. Il peut amener un cheval à la rampe, le faire monter et si le cheval est encore fort, il le mènera au fil. »

« Il vous faut des propriétaires de chevaux de classe qui veulent bien utiliser vos services, dit-il avec un hochement de tête. « Peu importe qui vous êtes en tant que conducteur. Vous pouvez bien être un bon conducteur – mais si vous n’avez rien qui vaille entre les manchons, vous ne serez pas dans l’argent quoi qu’il en soit. »

Mais de se faire un nom est la façon de faire pour trouver ces propriétaires – et ces chevaux – alors il semble bien que Eric ne soit qu’à quelques pas (ou quelques milles) sur le bon chemin. « Les occasions en course se rétrécissent et c’est un peu préoccupant, » admet-il. « Mais c’est la carrière que j’ai choisie parce que je l’aime, et j’apprécie le dur labeur des gens de ce sport. Oui, ce peut être un peu décourageant et quelquefois, un peu triste, mais vous devez essayer de faire de votre mieux avec ce que vous avez ou là où vous êtes. Je mène six jours par semaine présentement, et passer beaucoup de temps sur la route est très dispendieux considérant le prix de l’essence, mais il faut faire en sorte que quelque chose se produise – et c’est ainsi qu’il faut le faire. »

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