La chance du tirage

Vous choisissez la voie de gauche de l’autoroute pour y voir quinze voitures vous doubler par la droite. La pointe de tarte qu’on vous donne est loin d’être aussi grosse que celle qu’on vient de servir au client précédent il y a quelques minutes… La vie est injuste. Et si vous évoluez dans le domaine des courses de chevaux, vous vous le faites rappeler quotidiennement.

Bien que ce soit difficile de se voir coincé derrière un cheval en perte de vitesse ou bloqué dans le panier, il n’est rien de plus fondamentalement ‘injuste’ que le fait d’obtenir, lors du tirage, la position extérieure sur un tracé d’un demi-mille. Pendant que quelques-uns tiennent de grands discours en se questionnant sur le tirage ou la déontologie dont a fait preuve le secrétaire de course ou sur le système informatique, la plupart accepte l’équité du processus de même que l’iniquité des positions qui en résultent.

La plupart est prête à reconnaître qu’au cours de leur vie en tant que professionnel du cheval ou propriétaire, les choses s’équilibreront et la chance viendra avec la malchance. Mais pourquoi donc les participants, les hippodromes et les clients, acceptent-ils si volontiers un système source de tant de conséquences négatives?

En athlétisme, aucun avantage évident n’est accordé à la position de corde par rapport à celle du huitième couloir, puisque toutes les courses s’étendant sur un droit d’au-delà de 100 mètres jouissent de départs décalés. Dans les courses de thoroughbred et de lévriers, la proximité des chevaux et des chiens de même qu’un long droit avant le premier tournant, laissent peu ou pas d’avantage aux positions intérieures.

En course automobile, le seul sport favorisant les positions de départ de tête, chaque voiture participant à la course a une chance égale de se qualifier sur la première ligne après des jours de qualifications. Alors qu’en est-il des courses attelées?

Voyez ces chiffres. Au cours des onze premiers mois de 2009, il y a eu plus de 10 000 courses disputées au Canada sur des tracés d’un demi-mille. Le pourcentage de victoires de chevaux partant près de la rampe a été de 19,5 %. Les départs à l’extérieur ont affiché une moyenne de 5,3 %. Ajoutez à ce nombre les 7 000 courses courues sur des tracés configurés à cinq huitièmes de mille, la position de départ à la rampe a gagné 18,1 % du temps alors que les positions de l’extérieur n’ont gagné que dans 5,0 % des courses. En Ontario, l’écart a même été plus important, à 20,0 % pour les positions intérieurs et 4,2 % pour les positions à l’extérieur. Cela signifie que dans la juridiction ayant de meilleures bourses et les meilleurs paris, un en cinq a gagné à partir de la rampe et un en 24 a gagné à partir de l’extérieur.

Alors pourquoi s’en préoccuper? Et bien, un point doit très certainement être fait à l’effet que la disparité entre les positions de départ contribue au fait que plus de chevaux relâchent au départ ce qui crée des files indiennes et des résultats prévisibles des épreuves. Pour les professionnels et les propriétaires de chevaux, rien n’est plus frustrant que d’obtenir un mauvais tirage alors que votre cheval est au meilleur de sa forme. Pour les clients, quand trois ou quatre chevaux se partagent à peu près tout l’argent parié, la vraisemblance du paiement d’une importante remise du pari mutuel s’amenuise de façon dramatique.

Quand il y a un problème dont la solution améliorerait un sport, tant pour les participants que pour les clients, il faut faire quelque chose.

Et quant à ce qu’il faut faire, plusieurs alternatives s’offrent à nous. Utiliser une barrière de départ modifiée avec un angle pour donner aux partants de l’extérieur un meilleur départ à la barrière. Handicaper des courses pour attribuer les positions intérieures aux chevaux les moins bons de leur classe. Éliminer le cheval à l’extérieur et ajouter un cheval en second ligne puisque présentement, la position de seconde ligne surclasse celle de l’extérieur dans pratiquement tous les hippodromes du pays. Ou allonger la course légèrement en donnant le départ de courses d’un demi-mille et cinq huitièmes de mille, au haut du droit afin d’ajouter de la distance pour le premier tournant.

Que diriez-vous de considérer des idées plus radicales? Les courses pourraient-elles copier ce qui se fait en athlétisme et lancer le départ à partir de positions debout décalées? Modifier les bicycles de course pour adopter le style australien, plus étroit? Pourquoi ne pas ajouter cinq chevaux à chaque peloton et courir sur de plus longues distances, sachant que des plus grands pelotons créent une plus grande fluidité? Ou courser sur selle, comme en Europe? Ou à l’instar des chevaux de race thoroughbred qui transportent du poids supplémentaire, que penseriez-vous de permettre aux chevaux partant de l’extérieur d’utiliser des sulkys plus aérodynamiques?

Quelle que soit la solution, un système où le facteur le plus important pour déterminer un gagnant consiste en un tirage au hasard plusieurs jours avant l’épreuve ne semble pas correct – et c’est la dure réalité d’une courte piste de course. Chacune des structures du sport a été conçue pour créer la parité – à partir du système de classification jusqu’au processus de réclamation aux normes de qualification et à l’application de règlements communs pour tous. À l’étape la plus cruciale du processus – le tirage – les mêmes principes devraient tenir.

J’aime les courses d’un demi-mille et de cinq huitièmes de mille mais je ne pense pas, que dans ce cas, vous deviez accepter le bon et le mauvais.

Soyons réalistes – cette pointe de tarte n’a pas à être égale à toutes les fois, mais si elle est souvent le quart de ce qu’elle devrait être – nous demanderons à quelqu’un d’autre de la couper.

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