La vie de ‘The Stable’

Pour Kevin McMaster et Harry Poulton, l’entraînement de chevaux coule dans leur sang. Mais quand ils se sont retrouvés à l’extérieur, à regarder à l’intérieur, le téléphone a sonné. C’était la chance.

Par Keith McCalmont / Traduction Louise Rioux

Une vie en courses est décidément instable. Juste au moment où vous pensez le monde à portée de main, des circonstances hors de votre contrôle peuvent faire en sorte que tout s’écroule.

Parfois, la fin de cette période faste prend fin â cause d’une blessure, d’une suite de courses difficiles, ou, pire, à cause de vos propres mauvaises décisions. C’est le mode de vie de ceux qui la gagnent dans le domaine des courses.

Dans le cas des entraîneurs Kevin McMaster et Harry Poulton, leurs succès et leur longévité dans le sport étaient bien connus. Mais au cours des dernières années, à cause des changements survenus dans l’industrie, les occasions de gagner leur vie dans l’entraînement des chevaux, n’étaient tout simplement plus là.

McMaster, récipiendaire d’un O’Brien à titre d’Entraîneur de l’année 2000, était une force en Ontario, particulièrement sur le circuit Woodbine/Mohawk , gagnant dans les six chiffres de 1999 à 2005. Alors que le nombre de ses partants a diminué entre 2006 et 2012, la route se refermait, les propriétaires s’éclipsant à l’annonce du retrait du programme ‘Slots at Racetracks’ (SARP).

« Je venais de placer une annonce sur le site de Standardbred Canada, et des appels reçus, les gens ne voulaient tout simplement pas payer le prix qu’il en coûterait pour entraîner convenablement un cheval. D’aucune façon je ne pourrais gagner ma vie avec ce qu’ils offraient, » se rappelle McMaster. « J’ai eu de nombreux appels, mais c’était toujours la même question : de ne pas pouvoir demander beaucoup, et je ne pouvais pas prendre soin d’un cheval de façon efficace avec ce qui était offert; c’est alors que j’ai su qu’il était temps pour moi de tirer ma révérence. »

Dans un sport où l’expérience est de rigueur, les courses de chevaux pouvaient difficilement se permettre de perdre un tel homme de chevaux, un vétéran, ayant essentiellement grandi dans le sport et qui était associé à bon nombre de bons chevaux, y compris son propre ambleur, Smithsonian p, 1:48.4s (508 230 $).

Et pourtant, à la fin de sa carrière, McMaster avait plié bagage et travaillait comme chauffeur-livreur.

Poulton, un autre vétéran respecté en conditionnement, qui a entraîné les intronisés au Temple de la renommée On The Road Again et Matts Scooter,en était essentiellement à son dernier cheval quand il décidé qu’assez c’était assez; et il prit la route du retour vers l’Île-du-Prince-Édouard

La vie de retraité à l’Île-du-Prince-Édouard convenait à Poulton – pendant un certain temps.

« Je ne faisais rien. Absolument rien. Je faisais marcher le cheval de ma sœur et je l’entraînais. « C’était la toute première fois de ma vie que durant trois mois, je n’avais rien à faire, » dit Poulton en riant. « Mais, au bout de trois mois, je ressentais ‘que ça devenait quelque peu ennuyant’. Quand vous vous absentez, au début, c’est génial, mais plus le temps passe, plus l’envie vous revient. »

Comme un certain nombre de gens de chevaux se retirent du sport, ou réduisent leur activité, et que de nouveaux propriétaires semblent impossibles à trouver, durant une courte période de temps, cela ressemblait à une situation désespérée en matière de courses.

Mais de l’adversité naît l’opportunité, et en septembre 2015, l’homme de chevaux Anthony MacDonald, et son épouse Amy MacDonald, ont procédé au lancement de ‘TheStable.ca’, qui offrait une nouvelle façon pour le public d’investir, financièrement et émotionnellement, dans les courses de chevaux, par voie de propriété fractionnée, avec la possibilité de passer du temps avec leur investissement.

« Nous avons trouvé une façon de rendre les courses de chevaux faciles et abordables, et nous avons pénétré un marché de masse n’ayant jamais été exploré auparavant – voilà ce qui est arrivé. Nos clients ont augmenté, et en retour, l’industrie aussi, » dit MacDonald. « La charge de travail a aussi augmenté. Nous sommes passés de 26 chevaux la première année à 45 la deuxième année. Nous en avons maintenant 106 dans l’écurie. Elle a grossi de façon exponentielle. »

Au début, ‘The Stable’ offrait une certaine stabilité au clan MacDonald, mais la vision a grandi bien au-delà des attentes initiales. Et non seulement l’unique programme amène-t-il plus de chevaux aux courses, il ouvre maintenant une porte aux horsemen qui songent à un retour.

« Kevin McMaster, gagnant d’un O’Brien, était une force dominante, » dit MacDonald. « Dire qu’il a été un entraîneur de pointe durant plus d’une décennie, serait sous-estimer l’impact qu’il a eu sur les courses de chevaux au Canada. Depuis la suppression du SARP, des gars comme Kevin, qui sont des gens tranquilles et qui aimaient se concentrer sur leur travail, voyaient leurs clients disparaître et ils ne pouvaient plus avoir d’impact sur le marché. »

Avec une abondance de chevaux au bout des doigts, MacDonald savait que ‘The Stable’ avait grandi au-delà d’une opération familiale. Il avait besoin d’aide.

« Nous avons pris quelques-uns de nos chevaux et avons transplanté des entraîneurs pour les entraîner. Kevin McMaster a maintenant des chevaux dans l’écurie 3 du Centre d’Entraînement Tomiko » dit MacDonald. « Harry Poulton, virtuellement retraité, avait vendu sa maison et était reparti à l’IPE. Maintenant, il est de retour pour entraîner des chevaux sous la bannière de ‘The Stable’.

C’est une réussite de course ainsi qu’un plan non seulement pour faire croître le sport, mais pour maintenir la qualité de horsemanship essentielle pour les générations futures d’entraîneurs.

• • • •

Natif de New Waterford, Nouvelle-Écosse, McMaster, 49 ans, a grandi dans le sport.

« J’y suis né et l’ai immédiatement aimé. J’ai su, très jeune, que c’était tout ce que je voulais faire. J’entraîne des chevaux depuis 40 ans. Mon père avait un cheval quand je suis né, et je l’ai tenu dans l’écurie alors que j’avais deux ans, » dit McMaster.

Son père, John, aimait avoir des chevaux, mais pour Kevin, l’idée de conduire et d’entraîner des chevaux de course, était une passion.

« J’ai obtenu ma licence d’entraîneur à l’âge de 14 ans, et je menais des chevaux à 17 ans, » se rappelle McMaster, de ses toutes premières années à Tarton Downs. « Nous coursions pour des bourses de 350 $. Si vous entraîniez un cheval, vous pouviez gagner 80 $ par semaine (facture d’entraînement). C’est la raison pour laquelle je devais quitter Cap Breton. Les gens devaient avoir de l’argent pour faire cela. L’homme ordinaire ne pouvait pas se permettre d’avoir un cheval. »

Bien que gagner sa vie en Nouvelle-Écosse soit difficile, il n’y a pas de fin à la liste d’hommes de chevaux éminents qui ont émergé de la province, de petites pistes alimentées par l’énergie et le buzz d’une communauté engagée.

Et il s’est parié 65 000 $.Imaginez-vous cela, » dit McMaster. « Je me souviens qu’il me prenait par la main, et là, il y avait tellement de gens stationnés à l’extérieur de la piste, qu’il nous fallait marcher un mille pour arriver à la grande tribune. C’étaient seulement des courses de chevaux alors, et il y avait foule. »

McMaster savait qu’il devrait éventuellement quitter le confort de sa ville natale, et il est arrivé en Ontario en 1995 avec trois chevaux, travaillant pour commencer, pour Pat Crowe et Kevin Davidson. Au cours des trois premières années, il a monté une écurie allant jusqu’à 80 chevaux.

« C’était tout un cirque, c’est certain, » dit McMaster. « J’y suis arrivé au bon moment. Quand j’ai commencé à grandir, les machines à sous arrivaient tout juste, et les bourses étaient élevées. Tout le monde faisait de l’argent à ce temps-là. »

« Je me rappelle avoir réclamé des chevaux pour la somme de 27 000 $ pour ensuite faire un gain de 13 000 $ dans la victoire, et ensuite les perdre… ce qui faisait un gain de 13 000 $ net en une semaine, » de continuer McMaster. « Les occasions étaient là pour vous tout le temps. Il y avait tellement de chevaux alors, que c’était facile. »

Plus que la quantité, la qualité y était aussi dans les chevaux de McMaster.

« Voir mon propre cheval, Smithsonian, gagner en :48.4, c’était beau, » sourit McMaster. « Venu d’une petite ville et courant en 2:10, pour ensuite venir gagner ici en :48.4, c’était assez agréable. »

Toutefois, même avec 2 033 victoires en carrière à son nom, les opportunités se sont taries éventuellement pour ce horseman et gagnant de prix.

« Lorsque les machines à sous ont été abandonnées, ce fut le début de la fin. C’est ce qui a réellement contribué à y mettre un terme. L’épuisement en a aussi été la cause, » dit-il. « J’allais aux courses tous les soirs et je crois que je me suis brûlé au point de commencer à me retirer des chevaux. Puis j’ai commencé à posséder mes propres chevaux et c’est à ce moment que la dégringolade a frappé durement. Il était difficile d’entrer dans la compétition et je n’avais pas l’argent nécessaire. Quand les choses vont bien, c’est agréable, mais quand elles vont mal, vous adoptez une autre d’attitude. »

C’est difficile de s’imaginer qu’un homme passionné des chevaux de la côte Est comme McMaster, s’est tout simplement retiré du sport, mais c’était même pire que cela.

« Savez-vous ce qui est le plus effrayant dans tout cela? C’est que je ne m’en ennuyais pas, » dit McMaster. « J’étais tellement épuisé. Je n’avais pas de projets de revenir dans le sport. Je m’accordais deux ans avant de vendre tout mon équipement juste pour être certain. »

Mais le téléphone s’est mis à sonner de la part de MacDonald, relativement à cette nouvelle opportunité…

« Anthony avait raison, et ce qu’il faisait ici est une bonne chose. Cela enlève beaucoup de pression des épaules des entraîneurs… et des propriétaires. Voilà quelque chose qui pourrait vraiment sauver les courses de chevaux, » de dire McMaster.

McMaster est maintenant revenu au sport avec plaisir, travaillant particulièrement à la préparation des chevaux pour leur retour en course.

« J’entraîne dix chevaux deux ans qu’Anthony m’a confiés. Je les entraîne et ils vont tous entre 2:12 et 2:20, alors d’ici un mois, ils devraient être prêts pour la course, » dit McMaster.

Cette partie du travail est très familière à McMaster. Par ailleurs, les caméras vidéo, les drones, ainsi que les visites quotidiennes de propriétaires est quelque chose de nouveau.

« Ces gens ont des chevaux, et ils aiment cela, et si le cheval ne course pas bien, ils ne s’inquiètent pas d’avoir à payer une facture de pension de 3 000 $ parce que le cheval est la propriété de plusieurs personnes . Je crois que c’est une excellente façon pour les gens d’être propriétaires de chevaux, » dit McMaster.

De fait, McMaster apprécie présentement cette nouvelle façon de vivre.

« Je crois que c’est la meilleure chose. J’ai toujours souhaité qu’un propriétaire puisse se trouver plus près des chevaux, au cas quelque chose ne tourne pas rond. On pourrait lui montrer ce qui ne va pas, » dit-il. « Ces gens sont très enthousiastes pour leur cheval. Même s’ils n’en possèdent qu’1%, ils le sont vraiment.

Bien, ils sourient comme s’ils allaient assister à la N. A. Cup, et quand ils vont mal à l’entraînement, on peut voir leur déception. J’aime bien voir les propriétaires s’impliquer, puisqu’ils en retirent plus de leur expérience. »

• • • •

Il est difficile d’imaginer tout autre sport où une équipe en progression pourrait ajouter un gagnant de prix comme McMaster, ainsi qu’un vétéran membre du Temple de la renommée comme Poulton.

À soixante ans, Poulton est beaucoup trop jeune pour ne plus pratiquer le sport. L’expérience ne peut que faire de vous une meilleure personne du monde des chevaux, et comme le disait l’entraîneur de thoroughbred intronisé au Temple de la renommée, Roger Attfield, lors d’une entrevue avec CBC, « les entraîneurs de chevaux de course ne se retirent, ils meurent. »

Alors, il y a encore beaucoup de vie en Poulton, et l’insistant MacDonald a finalement réussi à convaincre son ami à revenir en Ontario, le sortant d’une retraite dont il ne voulait pas de toute façon.

« Je parlais fréquemment avec Anthony. J’avais abandonné, mais me voici de retour, » dit-il en riant. « J’en avais assez de rester assis à ne rien faire. Ce fut une bonne occasion. »

Gagnant de deux prix du Meadowlands Pace, Poulton récolta son premier mille d’un million en 1984 aux guides de On The Road Again et y est revenu quatre années plus tard, avec Matts Scooter, pour encore empocher le prix en argent.

« Il y a beaucoup de souvenirs. Beaucoup de favoris. Peut-être que la première victoire du Meadowlands Pace est le fait saillant de tout, » dit-il pour commencer. « C’était comme n’importe quelle autre course excepté du fait que nous courions pour 1 M $. La préparation était la même, tout était pareil sauf l’argent. La pression ne m’a jamais beaucoup ennuyé. Quand vous avez entre les mains ce type de chevaux, ils ne gagnent pas toujours mais ils font toujours une bonne course. »

MacDonald fait le point qu’il faut être un homme d’affaires, et peut-être même un showman, pour attirer les propriétaires ces temps-ci, mais le Poulton à la voix douce n’est pas de ceux qui mettent en lumière leurs propres succès.

« Ma conviction sincère est qu’il faut tout faire pour garder les chevaux sains, en santé et en bonne condition, et on ne peut en faire beaucoup plus. Ils feront le reste, » dit-il calmement.

Mails on sent un brin d’admiration et de tendresse dans sa voix quand il parle de ses élèves, intronisés au Temple de la renommée.

« Leur style de course se ressemblait vraiment. Ils ne se lançaient pas souvent au départ, mais ils sortaient tôt et remontaient, » dit-il. « La plupart des chevaux de nos jours, se lancent. C’est un style de course différent. Dans le passé, beaucoup de chevaux prenaient la première et deuxième position, et gardait l’allure. Maintenant, la plupart d’entre eux partent assez vitement, ceux que nous avons ici. »

Tandis que McMaster travaille avec les chevaux de course, Poulton se contente de passer ses matinées avec les bébés.

« C’est quelque chose que j’ai aimé dès le premier jour. Je m’amuse davantage à entraîner de jeunes chevaux dès leur première journée que des chevaux de course, et je ne sais pas trop pourquoi» de dire Poulton. « Si en fin de compte, vous finissez avec un On The Road Again ou un Matts Scooter à la fin de la journée, c’est très gratifiant. »

Cela fait sourire Poulton de voir de nouveaux propriétaires tracer leur route dans le sport grâce à ‘The Stable’.

« C’était devenu tellement coûteux que les gens n’avaient plus moyens, et Anthony a fait en sorte qu’ils puissent se permettre de participer au sport à nouveau. Je crois que c’est une idée fabuleuse,» dit Poulton. « Je marchais dans l’écurie la semaine dernière quand j’ai vu un couple debout là, à regarder un cheval. Ils m’ont raconté qu’ils n’avaient jamais eu lesmoyens d’acheter un cheval auparavant, mais que grâce à ce nouveau programme, ils détenaient maintenant une part, et en étaient très heureux. »

« Je crois que c’est la raison pour laquelle ça marche. C’est le cheval. Aussi simple que cela, » de continuer Poulton. « Les gens avaient oublié qu’une grande partie de ce sport concerne le cheval, et ils apprécient vraiment venir ici pour voir les chevaux à l’entraînement. »

Il apprécie aussi l’esprit d’équipe qui prévaut à ‘The Stable’.

« J’arrive à 7 h et Amy est déjà là à travailler à l’ordinateur pourt répondre aux courriels. Anthony arrive et il y reste jusqu’à ce que tout soit fait, » note Poulton.

« De plus, il y a de nombreux jeunes bons chevaux. Vous seriez surpris du nombre de ces bons jeunes poulains qu’il y a. »

• • • •

À ne pas oublier dans cette mixture spéciale composant ‘The Stable’ – le site Internet tape-à-l’œil, la propriété fractionnelle, le contenu vidéo, les images du drone – c’est une occasion pour McMaster, Poulton et d’autres, à éventuellement redémarrer leur propre écurie.

« Depuis toujours, les gens ont été extrêmement protecteurs de leurs clients et investisseurs, et pour nous, je sais qu’il n’y a aucune limite quant aux investisseurs qui peuvent s’impliquer dans les courses de chevaux. J’espère que certains des clients avec lesquels Kevin et Harry entrent en contact à ‘The Stable’, finiront par devenir leurs propres clients, » dit MacDonald.

« Rien n’oblige Kevin et Harry à rester sous le parapluie de ‘The Stable’ dans quelques années, alors qu’ils pourront repartir à leur propre compte, » continue MacDonald. « C’est tout autant une entité d’affaires qu’un outil éducationnel pour les entraîneurs qui méritent un meilleur style de vie, considérant qu’ils ont beaucoup donné à l’industrie. Il n’y a pas de secret ici. Tout ce que vous devez savoir à propos de ce que nous avons fait se retrouve sur le site Internet, sur Facebook et Twitter. Le plan que vous avez à développer est juste là. Il s’agit tout simplement de le faire. »

Et McMaster est très intéressé à continuer à le faire.

« Je vais y consacrer un effort à 100%, et en ce moment, j’en suis très content. J’aime gagner et j’aimerais continuer à le faire durant 5 à 10 ans encore si je le pouvais. C’est une toute autre affaire, » de dire McMaster.

Aujourd’hui Poulton, d’un autre côté, n’envisage probablement pas un retour à temps plein à l’entraînement, mais il est engagé à une vie en course.

« Je vais travailler avec Amy et Anthony jusqu’au moment où ils n’auront plus besoin de moi, alors je retournerai à la retraite. Je m’y plais bien. Ce sont de bons gars, pour qui il est facile de travailler et faire tout ce qu’ils peuvent pour l’aide. Cela fonctionne vraiment bien, » dit-il.

Il faut accorder cela à MacDonald. Il a changé une vie instable, en une vie ‘Stable’.

Have something to say about this? Log in or create an account to post a comment.