C’est notre maison

Ils viennent d’un endroit où les trotteurs plus âgés règnent en souverains, où les courses attelées font encore les manchettes des journaux, où on trouve encore des salons de paris à tous les coins de rues.

Ils viennent d’un endroit où les chevaux ont plus d’amis Facebook, où les hippodromes dépensent plus en campagnes de marketing éblouissantes, où les citoyens sont mieux renseignés sur le sport.

Quand Commander Crowe de Suède, l’un des meilleurs trotteurs scandinaves à n’avoir jamais couru, et Rapide Lebel de France, l’un des meilleurs trotteurs français de tous les temps, sont venus au Canada – les amateurs de courses canadiens n’ont pas tremblé.

Ce lien qui conduisait à la course m’a rappelé une scène de vestiaire du film sportif à grand déploiement ‘Rudy’, quelques minutes avant la dernière partie de la saison du Nore-Dame. L’entraîneur, d’une voix douce mais assurée, se tient à l’avant dans la chambre des joueurs de football effrayés et dit : « Vous savez ce que vous avez à faire. Rappelez-vous, personne, et je dis bien personne, n’entre dans notre maison pour venir nous intimider. »

Notre héros est San Pail.

Il y avait des murmures l’année dernière : « Certes, il peut gagner l’Open à Woodbine, mais il ne battra jamais Lucky Jim. » Et puis, il a vaincu Lucky Jim, s’emparant du Maple Leaf Trot.

Ce printemps, le cheval de l’heure était Arch Madness. « Il ne sera jamais capable de battre Arch Madness, » scandaient-ils. « Aucune chance. » Puis il a vaincu Arch Madness, s’emparant encore une fois du Maple Leaf Trot.

Mais les critiques n’avaient de cesse. « Ils le protègent, » raillaient-ils. « Il peut très certainement gagner s’ils le gardent au Canada durant toute sa carrière. C’est sa piste domiciliaire. » Ils l’ont donc envoyé à The Meadowlands où il a gagné le Nat Ray. Puis ils l’ont envoyé à Vernon et là, il a gagné le Credit Winner. Et encore ils l’ont envoyé à Lexington et là encore, il a gagné l’Allerage.

Alors, aujourd’hui, les meilleurs d’Europe viennent au Canada pour se mesurer à San Pail. De même qu’avec Randy Waples, ils se livrent une lutte épique entre meilleurs du monde. Et encore une fois, le cheval canadien en ressort en tête, dans le cercle du vainqueur, entouré de centaines d’admirateurs.

Et une fois encore, j’entends les irréductibles trouver des excuses. « Rapide Lebel a fait un dur voyage. » « Il n’est arrivé que quelques jours avant la course d’outre-mer. » « Si seulement la course était un peu plus longue. »

Quelques semaines plus tard, des journalistes de course américains ont même retiré le nom de San Pail de la tête de leur liste pour le titre de Cheval de l’Année, choisissant plutôt la trotteuse de deux ans Check Me Out.

Ce que je vois c’est un monstre sacré canadien qui court toujours avec cœur. Ce que je vois, c’est un cheval qui me donne des frissons. Ce que je vois, c’est un animal qui m’inspire.

Comme Canadiens, je pense que parfois, nous nous accommodons d’être non favoris. Non respectés et ni considérés sérieusement. Mais comme San Pail, nous sortons et prenons soin de notre affaire, semaine après semaine. Et personne ne vient sur notre piste pour nous intimider.

Passez de Joyeuses Fêtes et je vous souhaite une merveilleuse Nouvelle Année.

Darryl Kaplan
[email protected]

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