Du choc à l’émerveillement

Un terrible accident de remorque a presque mis fin à la vie de Rowlock Hanover. Avec soulagement, ce n’était que le début de l’histoire. Par Melissa Keith / Traduction Louise Rioux

Rowlock Hanover a du sang bleu. Il était l’un des ambleurs élites de trois ans à participer au TROT’s 2013 North America Cup Spring Book, bien qu’à une cote de 90-1. Trois ans plus tard, le cheval châtré issu de Western Ideal faisait face à une cote tout aussi abrupte après un accident aléatoire. Pour s’en remettre, sans parler de courser et de gagner, Rowlock Hanover ressemblait à un sérieux coureur de longue distance.

Même son propriétaire et entraîneur Jansen Sweet, un ambulancier, se rappelle ne pas avoir été à ce qu’il vit à l’intérieur de la remorque. La journée avait commencé sur une note si prometteuse.

« En 2016, son entraînement allait très bien et il était prêt à se qualifier pour la journée d’ouverture à Charlottetown, » dit Sweet. « Je savais dès 2015 qu’il avait quelques problèmes, nous avons donc décidé de le faire injecter aux jointures avant les qualifications. » Tôt le matin du 9 avril, Rowlock Hanover, était en route vers l’Atlantic Veterinary College partant de son domicile d’O’Leary à la piste de courses matinée de Western, IPE. « Nous ne savons pas encore exactement ce qui s’est passé – tout ce que nous savons c’est que son attache dans la stalle de la remorque s’est décrochée, » de raconter Sweet à TROT. « Il s’agssait de la stalle arrière d’une remorque en pente pour trois chevaux, il se trouvait donc libre dans une stalle d’assez grande taille de la remorque. »

S’arrêtant pour vérifier l’ambleur, ce qu’il vit l’a presque jeté à terre. « Quand j’ai ouvert la porte arrière de la remorque, (Rowlock Hanover) regardait vers l’arrière, me dévisageant, les deux pattes arrière au milieu de la stalle, les deux pattes en arrière dans la stalle du milieu, les deux pattes d’en avant dans la stalle arrière, une grosse entaille au dessus de l’œil, et un gros trou au milieu du crâne. Il y avait une grosse mare de sang sur le plancher de la remorque. » Le comportement de Rowlock Hanover, ajouta au sentiment d’inquiétude de Sweet : « Il était très relax et semblait vouloir dormir, alors j’ai su que ce n’était pas bon signe. » Il s’inquiétait du fait que l’état de choc pouvait s’installer, sachant que l’ambleur avait un urgent besoin de soins.

« Le sang ainsi que d’autres genres de blessure ne m’affectent pas vraiment, mais c’est une tout autre histoire quand il s’agit de votre cheval qui saigne sous vos yeux, et que vous ne pouvez vraiment rien faire, » d’admettre le jeune entraîneur. Fort heureusement, le cheval châtré affectueusement appelé ‘Rollie’ avait sa taille qui jouait en sa faveur –à 17 mains de hauteur, il enjamba la cloison ce qui aurait pu soulever de terre un plus petit cheval, créant d’autres conditions qui auraient pu occasionner des blessures additionnelles et rendre le déchargement plus difficile encore. Les quatre sabots de Rowlock Hanover étaient restés en contact avec le plancher, supportant le poids de son corps, alors Sweet a pu le démêler et le diriger hors de la remorque. « J’imagine que nous devions attirer des regards inquisiteurs de la part des gens qui étaient dans le stationnement de la station de service, me voyant debout là, avec un cheval couvert de sang, » fait remarquer le dévoué propriétaire de ce hongre. Le voyage chez le vétérinaire qui devait être sans histoire avait soudainement pris l’allure d’une urgence.

Dr Kathleen MacMillan est la vétérinaire attitrée de Rowlock Hanover. Sweet dit qu’il lui a rapidement envoyé un texto l’avisant qu’il était incertain quant aux blessures exactes de son cheval. « Je ne pense pas qu’elle s’attendait à ce que ce soit aussi sérieux, » ajoute-t-il. « Quand nous sommes arrivés à la clinique, ils lui ont passé une batterie de radiographies et ont trouvé qu’il avait une fracture du crâne et que ses sinus étaient pleins de sang. La principale inquiétude concernait la grande coupure sous lui, près de sa patte arrière et de la région des tendons – c’était assez profond et il avait un hématome sur sa patte arrière, qui les mena à croire qu’il aurait pu endommager un vaisseau sanguin dans sa patte. Il aurait pu saigner intérieurement. » Le pronostic était incertain, mais Sweet autorisa une équipe de spécialistes en ACV équins (les docteures vétérinaires Kathleen MacMillan, Laurie McDuffee et Emily John, assistées des étudiantes de quatrième année Elizabeth Sperry et Kamille Cormier, ainsi que la technicienne Karen Nicholson), de faire tout ce qui était possible pour aider ‘Rollie’. »

Le scénario semblait sombre à l’arrivée du patient équin, dit la Dre MacMillan. « Je pratique depuis 15 ans et j’ai vu beaucoup de blessures avec traumatismes, mais j’ai été surprise de celles de ‘Rollie,’ » fait-elle remarquer. « Nous lui avons immédiatement administré des sédatifs et Banamine contre la douleur et avons entrepris un examen complet. »

En plus des coupures faciales et aux pattes, d’une fracture du crâne, ainsi qu’un fragment d’os logé dans la cavité de ses sinus, sa vétérinaire observa que l’intérieur du haut de sa cuisse était « enflé et de la taille d’un ballon de soccer », qu’il y avait une lacération de six pouces derrière son pénis. Cette dernière blessure se révéla la plus grande inquiétude de la Dre MacMillan : « Il y avait une grande possibilité qu’il y ait eu perforation de son abdomen, ce qui aurait nécessité une intervention et peut-être même l’euthanasie. » Heureusement elle a déterminé que la paroi abdominale était intacte.

« Nous avons travaillé sur lui durant environ trois heures, alors qu’une personne soignait ses blessures tandis qu’une autre suturait la lacération au dessus de son œil gauche, » se rappelle MacMillan. « Après avoir pris des radiographies de sa fracture du crâne, j’ai appelé le Dr McDuffee (un chirurgien en gros animaux) en consultation sur ce cas. » McDuffee a retiré un morceau d’os fracturé, et alors les vétérinaires ont pu suturer encore une autre blessure sur Rowlock Hanover.

Les factures de vétérinaires font partie de la vie; de ces factures catastrophiques peuvent découler des décisions difficiles et sensibles à prendre. Jansen Sweet et les autres copropriétaires de Rowlock Hanover, Patti et Allison Sweet, Brody Ellis et Susan Thomson, décidèrent que les coûts pour sauver leur ambleur était moins importants que le fait de le sauver. Le cheval, après tout, avait été plus que bon à leur endroit depuis son achat en ligne en août dernier. Coursant à Rideau Carleton, Rowlock Hanover n’avait engrangé qu’une paire de victoires à vie, mais s’était adapté à son nouvel environnement à l’IPE de belle façon. Malgré la prévalence de pistes d’un demi-mille dans les Maritimes, le cheval de grande taille provenant d’un élevage de la Pennsylvanie, s’y était adapté – pour nous, il a super bien couru. « On nous avait dit qu’il était gros, mais nous ne nous attendions pas à un cheval de 17 mains, » de confesser Jansen. « Mais il était très bon – il a bien couru pour nous. Lors de ses trois premiers départs à l’IPE, il a obtenu une deuxième position suivie de deux victoires et a terminé l’année 2015 à l’IPE avec 15 départs, trois victoires, trois secondes positions, trois troisièmes et a touché des bourses à 13 reprises.

Le 29 mai 2016, Rollie était prêt à se requalifier. Il a fini en cinquième position en 2:02.4 pour le conducteur Ryan Desroche à Charlottetown. Assez quelconque pour un cheval de course ayant réalisé un temps de 1:53.2 à vie à Georgian Downs il y a trois ans – très impressionnant pour un Standardbred de six ans revenant d’une situation des plus atroces en moins de deux mois. Les traitements ont débuté par une admission d’urgence à l’hôpital vétérinaire le 9 avril. « Il a passé deux nuits au département des ACV – on ne pouvait demander de meilleurs soins dans ce département, » dit Sweet. « On lui a drainé les sinus et il a été maintenu sous médication contre la douleur. Le 11avril, il était prêt à revenir à la maison, mais il devait être constamment sous surveillance – il était très médicamenté durant toute la journée et il était sujet à l’infection, du fait qu’il avait une ouverture dans les sinus ainsi qu’une très large plaie ouverte sous lui, du type de celle causée pas une castration. »

La réhabilitation comprenait une demi-heure de marche à la main quotidiennement, ainsi que huit semaines de repos en stalle. ‘ Rollie’ n’appréciait pas beaucoup ce traitement thérapeutique, fait remarquer l’entraîneur. « Il est allé moins bien avant de devenir mieux. Il déchirait les bandages sur sa face chaque soir, alors on a dû lui faire porter une capuche dans sa talle. Ses pattes étaient enflées comme celles d’un éléphant, résultat du repos en stalle, et le trou dans sa tête ne donnait aucun signe de guérison. » Les conseils du vétérinaire donnés par Dre MacMillan ainsi que les soins quotidiens prodigués par plusieurs des membres de la famille Sweet, ont graduellement porté leurs fruits. Bien que le retour du cheval hongre ne soit prévu que pour beaucoup plus tard en saison (« puisqu’il n’y aurait pas de courses sous harnais avant la mi-juin, Ù fait remarquer Jansen, ) il a fait de rapides progrès sous les soins diligents de son palefrenier, le plus jeune frère de Jansen, Jaycob.

« Jaycob et mon père ont été d’une grande aide pour ses soins, que ce soit pour la marche èa la main et le nettoyage des blessures, » explique Jansen, ajoutant que sa propre formation d’ambulancier n’ait été un facteur dans le retour à la santé de Rowlock Hanover. « Je pense que le fait d’être entouré de gens beaucoup plus expérimentés que moi a grandement contribué aux bons soins qu’il a reçus. » À titre d’entraîneur de trois Standardbred à la piste de course matinée O’Leary (Rowlock Hanover, Western Wild et Duchess Killean), lui et Jaycob ont amplement eu l’occasion d’acquérir le savoir-faire et regarder les vétérans hommes de chevaux au travail. Leur grand-oncle Ralph, par exemple, qui ferre leurs chevaux. Avec seulement deux années à entraîner des chevaux de course, Jansen se considère privilégié d’en avoir un comme Rowlock Hanover dans son écurie. Pas seulement pour les victoires non plus, - mais quand vint le temps de transporter l’ambleur au centre des ACV après l’accident, dans la même remorque en avril dernier, cela signifiait faire monter l’animal traumatisé à bord de la remorque dans laquelle il s’était blessé. ‘Rollie’ est immédiatement monté dans la remorque. « La plupart des chevaux n’auraient pas fait cela, » fait remarquer Jansen.

La date du 13 juillet en est une qui se distinguera à jamais. La plus grosse semaine de courses au Summerside Raceway veut aussi dire le vrai retour de Rowlock Hanover, quatre courses et une de qualification après sa mésaventure. La course avec conditions n’était pas la course vedette de la soirée – l’Atlantic Sires Stakes pour les pouliches était le clou du programme – mais la meilleure histoire de la soirée demeure celle de Rowlock Hanover, sous les rênes de Jason Hughes, décrochant la tête en 28.2 pour contrôler la course de la barrière au fil d’arrivée. Sa victoire en 1:58.2, ne fut pas la seule occasion de célébrer non plus. Jaycob, âgé de 13 ans, s’est vu remettre la récompense Prince County Horsemen’s Club Rising Star après la course, en partie pour son travail de palefrenier auprès de Rowlock Hanover.

Jaycob dit que l’honneur l’a pris par surprise – « je ne savais rien de cela. » Comme soigneur de ‘Rollie’ depuis l’arrivée du cheval hongre l’été dernier, il l’a mérité. L’aspirant entraîneur/conducteur a dit à TROT que cette responsabilité « facile à vivre » « avait besoin de temps pour retrouver la santé », ce à quoi il s’affairait après l’école et les jours de fin de semaine, durant la convalescence de Rowlock Hanover.

Dre MacMillan fait l’observation que les deux, tant Jaycob que Jansen, méritent tout le crédit pour leur travail à ramener Rowlock Hanover. « Jansen était un étudiant en soins ambulanciers au moment de l’accident et il a fait un travail remarquable en prenant soin de ‘Rollie’, dit-elle. « C’est gratifiant de voir ‘Rollie’ guérir de ses sérieuses blessures et être de retour dans le cercle du vainqueur après seulement quelques mois. »

Le copropriétaire Brody Ellis, en visite depuis Fort McMurray en Alberta, est au Summerside Raceway et rayonnant suite à la performance de son cheval. « Nous aurions été tout aussi heureux d’une seconde ou troisième place » dit-il en riant. « Il mérite du foin après cela. » Rowlock Hanover est destiné à un avenir heureux comme cheval de selle chez Ellis en Alberta quand il se retirera de la course, d’ajouter son copropriétaire. Ce qui n’est pas une éventualité prochaine pour le cheval de six ans. Ellis ne fait que partager son grand respect pour l’athlète équin dans le cercle du vainqueur de Summerside. « Je suis très heureux de ce cheval! Jansen l’est tout autant. Il s’agit de la première victoire du cheval en 2016, et il a même surpassé les cotes matinales de 7/2 ce qui le plaçait troisième. « Nous le ramenons à la maison demain et il ira au champ. Il aime jouer – il est bien fougueux dans le champ, » dit-il dans un sourire, entouré de la foule grandissante aux abords de la piste. Au paddock après la quatrième course, ‘Rollie’ se tient calmement en attendant son bain. Ses cicatrices sont encore visibles, mais seulement si vous le regardez de près et connaissez son histoire. Tout ce que d’autres verraient, c’est la satisfaction évidente de ce gentil géant.

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