Renaître de ses Cendres

Comme le tout nouvellement formé Jockey Club de Québec commence sa deuxième saison de course depuis l’effondrement dévastateur de 2008, son heureux mélange de traditions accompagné de progrès sensés, pourraient se révéler une recette soigneusement concoctée pour aider les courses au Canada français à se relever encore

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Story by Norm Borg
Photography by James Park
Traduction par Louise Rioux

Dire que la ville de Québec a un cachet de vieille ville française est très certainement une litote. Les formes classiques si facilement repérées dans son architecture s’étendent à chaque facette du paysage, même au vieil Hippodrome de Québec, hôte de la réunion de 20 courses de cette année. Il est très difficile de ne pas remarquer la perspicacité adroite dans l’utilisation de la maçonnerie quand vous approchez de l’entrée de la grande tribune. Et une fois à l’intérieur, vous êtes frappé par les rénovations toutes modernes qui y ont été faites.

Il est immédiatement évident que c’est un endroit unique où l’ancien et le nouveau se marient. Comme James et moi-même flânons aux portes principales, un employé nous accueille tout sourire, nous remettant des billets de tirage gratuits. L’atmosphère qui règne me rappelle une réception de noces; les gens s’accueillent mutuellement comme de vieux amis perdus de vue depuis longtemps en se faisant l’accolade nationale. Pas besoin d’être bilingue pour comprendre que leurs retrouvailles se font après une longue absence.

Dehors, sur la piste, un grand orchestre big band joue, en direct, les classiques sur un patio nouvellement construit. Avec Sinatra qui résonne à mes oreilles, je regarde autour et cela me frappe : la foule! Ce n’est pas une journée d’ouverture habituelle dans un hippodrome ordinaire. La place se remplit, et non pas dans les normes édulcorées que nous avons laissé s’instaurer dans presque toute notre industrie.

Il ne me faut que quelques instants pour arriver face à face avec un membre du Jockey Club de Québec, Jocelyn Sauvé. Il va et vient dans la place comme un flipper au billard électronique, répondant aux demandes des amateurs, du personnel et des médias, mais je réussis à l’attraper pour un moment après son entrevue avec Radio-Canada. Ayant peu dormi, le fougueux Sauvé est quand même tout sourire en regardant la file à la porte. « Nous sommes sur une base plus solide avec notre plan d’affaires. Les directeurs du JCQ n’aiment pas les fabulateurs – et ne fabule personne. »

Sa moins-que-voilée référence au style de gérance des anciens propriétaires des hippodromes du Québec, Attractions Hippiques, est évidente. « Trop d’eau dans la soupe n’est pas bon, » dit-il. « Nous avons convenu qu’il valait mieux ne présenter que 20 programmes de courses et offrir des bourses plus élevées plutôt qu’un plus grand nombre de programmes, des bourses moins bien garnies, un produit de moindre qualité et, comme résultat, de moins riches cagnottes. »

En effet, la cagnotte est l’élément vital pour les courses au Québec présentement, puisqu’il n’y a ni casino ni ludoplex pour compléter le budget. (Ils n’ont d’ailleurs été d’aucune assistance la dernière fois.) L’appel du départ résonne. L’annonceur de piste, Danny Émond, appelle la première course au cercle des vainqueurs, d’où les amateurs peuvent le plus se rapprocher. Les chevaux suivent le chef de parade, lequel est monté à dos de cheval. C’est une belle pensée. L’épreuve en est une avec conditions – non-gagnants de 2 500 $ en 2010 et 2011 - mais cela ne semble nullement embêter la foule toujours grandissante.

Je décide de tenter ma chance et de pratiquer mon français hésitant, et je me dirige vers les guichets, c’est alors que je suis plongé dans mes souvenirs de jeunesse pour me retrouver derrière une longue file de parieurs avides tandis que l’annonceur prévient par haut-parleur de ne pas tarder. De fait, je suis à des lunes de pouvoir faire ma mise quand le premier peloton part derrière la barrière. Je choisis plutôt d’engager la discussion avec un homme qui a suscité énormément d’attention du fait de sa seule présence. Brian Paquette, un copropriétaire de Up The Credit, qui revenait tout juste de Mohawk, où il était allé voir courir son poulain de trois ans et gagner la course la mieux dotée en bourse du pays.

Lui-même un directeur du JCQ, Paquette, encore sous l’effet de cette victoire, présente une perspective raisonnable à propos de ce nouveau plan d’affaires concernant le produit des courses. « Il est rebâti de fond en comble avec un plan d’affaires modeste mais visionnaire, » dit-il en hochant la tête, tout comme s’il s’agissait de la chose la plus évidente. Il admet qu’il y a, d’ailleurs, un point important qui reste à être réglé face au manque de salons de paris hors piste dans la province. « Nous en avons besoin de huit pour nous aider, » dit-il, « mais nous sommes en attente d’une décision de la part de la Régie pour aller de l’avant. (Il réfère à la Régie d’alcool, des courses et des jeux du Québec, un organisme provincial qui ne régit pas que les courses, mais aussi les jeux et l’alcool, genre CPMA (Agence canadienne du pari mutuel) sur les stéroïdes.)

Comme M. Paquette est enlevé brusquement par un autre journaliste en attente, je constate qu’un cheval de cinq ans, d’élevage québécois, nommé EF Gaspesien, s’est mérité la victoire dans la première course. Tout comme le cheval, le conducteur est également un « pure laine » - Pascal Bérubé. Il est accueilli dans le cercle du vainqueur par des ‘fist pumps’, des ‘high fives’ et par des cris d’enthousiasme de la part du public. « Félicitations Pascal! » de s’exclamer quelqu’un. Je me retourne pour voir de qui il s’agit, et je suis salué par un home d’âge mûr qui, même en cette journée très chaude, porte l’habit et la cravate!

Voilà un autre moment de rembobinage pour moi, puisque la tendance vestimentaire des assistances d’aujourd’hui, va plutôt vers la tenue d’un ‘party tail-gaiting’ au NASCAR plutôt que celle d’assister à une course de chevaux. Mais en ce jour, il y avait plus d’un amateur de longue date
vêtu pour l’occasion comme ils le faisaient jadis. Encore une fois, me voici au carrefour de l’ancien et du moderne. Vincent Trudel, récemment nommé directeur général du Jockey Club Québec, est un homme dont l’expérience des affaires dans l’industrie des jeux est bien établie.

Originaire de Québec, Trudel a travaillé comme cadre supérieur dans bon nombre de casinos en Europe et il occupait un poste de cadre supérieur à la Great Canadian Gaming. Aujourd’hui, il apporte avec lui les idées les plus novatrices de l’industrie des jeux. Alors que je me retrouve face à face avec lui le jour de l’ouverture, Trudel me dit qu’il a été intéressé par le poste tant par la qualité des membres de son conseil et un sens du devoir envers la communauté. « Quand l’industrie des courses au Québec s’est effondrée, » me rappelle-t-il, « trois à quatre mille personnes ont perdu leur emploi. Où sont-ils supposés aller? J’ai été enthousiasmé de voir la composition du conseil d’administration avec des noms comme Serge Savard (ancien joueur étoile du club de hockey Canadien» et copropriétaire du gagnant de la NA Cup, Up The Credit) ainsi que du légendaire conducteur et héros québécois national, Michel Lachance. »

Trudel marque son approbation de l’approche de remaniement latéral que prend son conseil. « Nous envisageons de franchir une étape à la fois, en introduisant de nouvelles idées de marketing (tels des tournois de handicapeurs) afin d’attirer une démographie rajeunie et ainsi de suite. Nous ne bâtissons pas quelque chose sur la base d’un rêve d’hier. »

Le peloton de la deuxième course est prêt. Une fois encore, je m’aventure vers le guichet. « Un do-llar ex-acta boite? » dis-je nerveusement, en m’éclaircissant la gorge. Le guichetier intervient de façon sympathique dans un parfait anglais. « Quels chevaux voulez-vous parier en boîte pour votre exacta, monsieur? » Me sentant encore quelque peu absurde, je me retourne et, très chanceux, j’aperçois le président du JCQ, Tony Infilise, qui s’extasie de voir la façon dont les choses se déroulent. « Nous estimons qu’il y a quelque 3 000 amateurs ici, » dit-il avec un sourire, « et nous prévoyons une cagnotte de près de 50 000 $. » Il s’avérera plus tard, qu’il était terriblement proche. Y compris ma maigre contribution, la cagnotte non officielle du programme du dimanche atteignait 47 291 $.

Après la deuxième course, en jetant d’un air penaud, mon billet synonyme de mes échecs tant en handicap qu’en bilinguisme, je ne peux m’empêcher de penser que tandis que le JCQ ne veut pas reconstruire l’industrie des courses sur les normes surréalistes du passé, leur approche mesurée et progressive pourraient bien ramener le passé à la maison – ou la meilleure partie du passé du moins!

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