Cory Clouston

L'entraîneur chef des Sénateurs d’Ottawa Cory Clouston est un perfectionniste dynamique qui se taille une place dans la Ligue Nationale de Hockey. C’est aussi un fervent amateur de course dont la passion et l’énergie trouvent leur racine profonde chez les coursiers sous harnais.

Par Ronnie Shuker / Traduction: Louise Rioux / Photo courtesy of Wayne Cuddington & The Ottawa Citizen

Nous sommes le mercredi 25 novembre 1998, et Cory Clouston agit à titre d’entraîneur aux Canada Games Arena à Grande Prairie en Alberta. Bien qu’il se trouve derrière le banc de son équipe, le Grande Prairie Storm de l’Alberta Junior Hockey League pour un match contre le St. Albert Saints, à l’autre bout de la ville, un ami surveille une course importante pour lui, laquelle se déroule en même temps et est transmise en simultané. Son plus jeune frère, Jason, est à Edmonton à se préparer à conduire Flaming Princess dans la Petticoat Final au Northlands Park. La grande favorite est Nealies Magic, une grande jument forte qui fait paraître la pouliche de trois ans de Jason toute petite et qui l’a vaincue facilement la semaine précédente lors de l’épreuve éliminatoire. Flaming Princess détenait la tête jusqu’au dernier tournant de cette course, mais elle a commencé à perdre du terrain juste au coin; Jason n’a pu faire mieux que la contenir et l’empêcher de briser son allure plutôt que la forcer vers le fil. Neaslies Magic l’a rattrapée, et roue contre roue, l’a regardée droit dans les yeux pour la doubler vers une victoire facile.

Les frères ont discuté stratégie avant la finale. Leur père, un entraîneur de 20 ans d’expérience, leur suggéra un changement de fer pour aider Flaming Princess à mieux prendre les tournants. Jason discuta de ce changement et d’autres bricoles avec son frère en vue de cette course, et ils étaient d’accord que ces changements devraient faire la différence lors de la finale. « Je parlais tout le temps à Cory, » dit Jason aujourd’hui, du temps où il était meneur à la fin des années 1990. « Nous préparions notre stratégie de course ensemble par téléphone. Il savait quelle course s’en venait, contre qui j’allais courir, connaissait les chevaux et leurs caprices, de même que les conducteurs. Il m’a été d’une grande aide à cet égard. C’est un grand connaisseur. Il n’y a pas grand-chose qui échappe à Cory. C’est un professeur sportif, que ce soit pour les courses sous harnais ou le hockey. »

Malgré le fait que Flaming Princess parte négligée de la barrière, les frères sont confiants qu’elle pourra remporter la victoire. Elle part troisième et prend la tête à mi-parcours. Nealies Magic essaie de la provoquer encore une fois au poteau du trois quarts, mais Jason est capable de mener Flaming Princess cette fois-ci plutôt que la maintenir. Il garde sa pouliche à une demi-longueur devant sa rivale, ne permettant jamais à celle-ci de regarder son cheval dans les yeux, et lui remet sa faveur de la semaine précédente – pour atteindre le fil d’arrivée par trois longueurs et une remise de 21,50 $ gagnant. La bourse s’élevait à 52 741 $.

Dès la fin de la course, l’ami de Clouston se dirige tout droit vers l’aréna pour annoncer les résultats. « Il était là en plein milieu d’un match, et quiconque connaît Cory, sait qu’il ne faut habituellement pas le déranger alors qu’il est dans sa bulle de coach, » dit Jason en riant. « Mais toute aussi importante soit sa carrière en hockey, il était tout aussi intéressé de savoir comment son frère s’en était tiré. Cory était tout aussi content de savoir que j’avais gagné qu’il ne l’était de voir son équipe gagner aussi ce soir-là. » L’ami de Clouston est arrivé au moment où les équipes rentraient au vestiaire pour la pause entre les périodes. « Il a gagné! » dit-il en criant par-dessus la baie vitrée. « Il a gagné ! Il a gagné ! » Quand Clouston, reconnu pour son intensité et son regard de glace comme entraîneur, entend la nouvelle, il craque un sourire, puis un autre. Son équipe, The Storm, gagne aussi 6 à 5.

« Nos meilleures années de course sont celles où mon frère était conducteur, mon père entraîneur et que j’étais propriétaire, » dit Clouston aujourd’hui. « Ces jours étaient parfaits alors que ma famille était toujours impliquée. Nous avons évolué dans tous les aspects des courses sous harnais, de propriétaire, à entraîneur à conducteur à administrateur d’un journal dédié à 100% au sport. »

Plus de 12 années plus tard, Clouston a atteint la classe la plus élevée de sa profession en tant qu’entraîneur chef des Sénateurs d’Ottawa de la Ligue Nationale de Hockey. Il en était à sa deuxième saison avec les Binghamton Senators, l’équipe affiliée dans l’American Hockey League d’Ottawa, quand Ottawa l’a engagé à la mi-saison en 2009 après un piètre début de saison aux mains de l’entraîneur précédant. Il s’était fait une réputation quant à sa préparation laborieuse et son étique de travail inlassable, ce qui avait accroché l’œil de la direction des Sénateurs, et ce qui avait amené les médias sportifs d’Ottawa à le surnommer « le sergent instructeur au visage d’enfant. »

« Je suis certain qu’à l’occasion, je rends ma famille dingue, parce que c’est difficile de mettre de côté ce type de personnalité, » dit Clouston, 41 ans. « On veut que les choses soient organisées, qu’elles soient en ordre, qu’elles soient faites adéquatement. Cela transpire dans tous les autres aspects de ma vie, pas seulement au hockey. Pour réussir – et ce que vous faites n’est d’aucune importance, que ce soit en affaires, au hockey ou aux courses sous harnais – les meilleurs entraîneurs portent attention aux détails. Ils analysent la conformation des yearlings, font beaucoup de recherche sur les lignées généalogiques, l’entraînement et la nutrition, de même que les nouvelles techniques vétérinaires. Ce sont ces gars qui réussissent en course. À l’évidence, le talent est très important, mais à mes yeux, il ne vous mènera que jusqu’à un certain point. Cela importe peu que vous soyez joueur ou entraîneur au hockey, ou un entraîneur ou conducteur en courses sous harnais; c’est l’attention aux détails et à toutes les petites choses qui distinguent les bons athlètes et bonnes gens d’affaires des autres. »

Ses joueurs mènent des vies remplies de détails et de discipline, particulièrement quand il s’agit de santé et de performance, et Clouston se fait un devoir de prêcher par l’exemple. C’est un rat de gymnase et un maniaque de la nutrition, et vous aurez peine à vous rappeler la dernière fois qu’il a triché et mangé une friandise ou du gâteau. « On veut essayer d’être une sorte de rôle modèle, » dit-il. « C’est difficile de promouvoir la nutrition et l’exercice auprès des jeunes joueurs. Si vous ne le faites pas vous-même, vous pouvez paraître hypocrite. »

« Je ne suis absolument pas parfait. Je sais très bien que j’ai mangé de la pizza ici il y a quelque temps, si vous comptez cela. »

Sa vie est remplie de hockey et de courses sous harnais. Clouston a vu l’aspect nutritionnel de ces deux sports évoluer et passer du steak et pommes de terre pour le hockey et l’avoine et foin pour les courses sous harnais se tourner vers la science hautement spécialisée d’aujourd’hui. « Votre cheval est comme un moteur – et vous êtes aussi bon que votre bonne condition physique vous le permet, » dit-il. « Pour un joueur de hockey, son corps est son bon de repas, le moteur qu’il a pour sortir et performer. Ce n’est pas différent pour un cheval. Vous le voulez en santé, fort et aussi bien préparé que possible… Ils sont très semblables. Il y a beaucoup d’efforts dans la préparation et l’entraînement du cheval, ce qui est bien différent de ce que c’était il y a quelque 30 ans quand nous avons commencé. Cela ne diffère pas chez les joueurs de hockey d’aujourd’hui. Nous sommes constamment à l’affût d’une manière d’améliorer la force et la préparation de nos joueurs… Il vous faut tout manutentionner pour le cheval, tandis qu’avec les joueurs, il faut leur donner l’information et ils doivent en faire une bonne partie par eux-mêmes. Je pense qu’il y a de très nombreuses similarités dans les aspects de la force et de la préparation. En ce sens-là, tous les deux sont des athlètes. »

La carrière d’entraîneur de Clouston a commencé avec les Powell River Paper Kings de la British Columbia Junior Hockey League. Il a passé quatre saisons à Grande Prairie avant de déménager dans la Western Hockey League pour entraîner le Kootenay Ice, et rapidement se créer une réputation chemin faisant pour son intensité derrière le banc. « Cory est très compétitif, » dit Don Moon, gérant d’affaires du Storm. « C’est un de ces individus qui détestent perdre plus qu’ils n’aiment gagner. »

Clouston a passé 13 saisons à titre d’entraîneur dans les rangs juniors, remportant le titre d’entraîneur de l’année à trois reprises avant de joindre les ligues professionnelles avec les Senators de Binghamton et maintenant à Ottawa. Ses parents, Wayne et Diann, ne sauraient en être plus fiers, ni Clouston plus reconnaissant. Ils regardent tous ses matches à la télévision et il appelle à la maison après chacun d’eux. Il accorde tout le crédit de ses succès à ses père et mère, eux qui ont travaillé si fort pour élever leur jeune famille en des temps difficiles à Viking, en Alberta. « Nous y sommes arrivés, » dit Clouston. « Nous n’avions pas grand-chose, mais mes parents se sont toujours fait un devoir que nous ayons notre équipement de hockey. »

À cinq ans, Clouston vivait avec Jason, son frère aîné Shaun, et leurs parents, dans une cabane comprenant deux pièces, sans eau courante, et ils dormaient ensemble dans la même chambre. La famille a déménagé dans une vieille maison de ferme un an plus tard. Wayne s’est occupé de la culture jusqu’en 1979, moment où il est parti travailler pour son beau-frère, Rod Hennessy, qui coursait des standardbred au Northlands Park d’Edmonton et au Stampede Park de Calgary. Alors qu’il travaillait pour Hennessy, Wayne réclama son premier cheval, Mutatis Mutandis (en latin signifiant ‘les changements nécessaires ayant été faits’), qui s’est avéré le ‘Cheval réclamé de l’année’ de la province. À partir de ce moment, la vie des Clouston se divisait en deux parties. « Le hockey et les courses de chevaux, voilà à quoi ressemblait notre vie de famille, » dit la mère Diann, dont les garçons ont tous pratiqué le hockey dans leur jeunesse. « Nous coursions des chevaux et nous les entraînions, et nous allions ensuite aux matches de hockey. J’encourageais les chevaux ou j’encourageais les joueurs de hockey. Voilà ce que je faisais. »

Diann travaillait pour le compte du journal The Weeky Review à Viking, et en 1982, elle et le propriétaire ont cofondé The Western Pace. La publication était dédiée aux courses de standardbred de Saskatchewan et contenait des nouvelles concernant l’industrie de l’Alberta et de la Colombie-Britannique; elle a été publiée jusqu’en 1995, alors qu’elle l’a vendue à d’autres intérêts. Pendant ce temps, Wayne continuait d’entraîner les chevaux pour son beau-frère avant de devenir gérant d’écurie aux installations Savage Racing Stable tout juste en dehors de Calgary en 1986. Deux ans plus tard, il a cofondé sa propre écurie, Pacer Park, près d’OKotoks, Alberta, débourrant et entraînant entre 50 à 60 yearlings par année dans ses meilleures années, au début des années 1990. Même s’il travaillait à l’extérieur de la maison, la famille continua d’habiter à Viking, et Wayne faisait la navette une ou deux fois par semaine pour aller les voir. La saison de hockey terminée, Diann et les garçons allaient passer les fins de semaine à la piste. Tous les étés, pendant ses études universitaires, Clouston allait travailler pour son père, vivant dans un campeur avec ses frères sur les lieux de travail de leur père, nettoyant les stalles et les harnais, marchant et joggant les chevaux. « On ne pouvait demander mieux pour un travail d’été, » dit Clouston. « Nous vivions là. Nous pouvions sortir de la maison et nous étions tout de suite rendus à l’écurie. »

Sa famille immédiate n’est plus impliquée dans les courses de chevaux – Wayne et Diann ont pris leur retraite, Jason est gérant d’opérations pour une compagnie de construction à Calgary et Shaun est entraîneur de l’équipe Medicine Hat Tigers de la Western Hockey League – mais Clouston est demeuré un fervent de ce sport et il accompagne régulièrement son oncle et son cousin, Mike Hennessy, qui est conducteur de relève à Fraser Downs. Les lundi soirs quand il n’est pas sur la route avec les Sénateurs, Clouston, en compagnie de Marco, 14 ans, qui deviendra bientôt son beau-fils (Clouston est fiancé à son amie depuis neuf ans, Bethan, qui attend un bébé en mai), s’assoient pour regarder les courses ensemble sur The Score. Il y va quand il le peut, habituellement hors saison quand il revient en Saskatchewan. Il a même pu insérer un voyage à la piste d’Edmonton durant un des déplacements des Sénateurs dans l’Ouest canadien.

« J’aime vraiment me trouver aux environs d’une piste, l’excitation de préparer un cheval pour la course et de le voir courir, » de dire Clouston. « C’est le même esprit que pour le hockey. Vous préparez votre cheval, et vous préparez vos joueurs. Vous consacrez beaucoup de temps aux deux. C’est une industrie passionnante – que celle des courses sous harnais. »

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