Bâtir à partir de zéro

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À l’âge de 69 ans, Tony Infilise rêve encore grand.

Par Paul Delean / Traduction Louise Rioux

Un de ses rêves récurrents ces jours-ci, est celui d’un hippodrome. Une toute nouvelle installation pour standardbred, aux environs de Montréal, construit de son vivant.

« J’espère être encore là lors de son ouverture. Je pense que vous pourriez le voir érigé d’ici les cinq prochaines années, » dit l’ancien président et actuel directeur du Québec Jockey Club.

Cela peut paraître invraisemblable, considérant le fait qu’aucun nouvel hippodrome n’a été construit au Québec depuis des décennies, mais s’il devait se concrétiser, Infilise méritera une grande part de crédit.

Qu’il y ait encore des courses sous harnais dans la province aujourd’hui, tient dans une large mesure à l’engagement d’Infilise et de ses collaborateurs bénévoles siégeant au conseil du QJC, organisme sans but lucratif, qui n’allaient en aucun cas laisser mourir un sport à l’agonie suite à la faillite de l’opérateur de l’hippodrome, Attractions Hippiques, en 2009.

« C’est un homme de conviction, » dit le directeur général du QJC, Vincent Trudel, « et il a sans contredit sauvé les courses et les a ramenées au Québec. »

Trudel dit d’Infilise « qu’il n’a probablement jamais réalisé toute la somme d’efforts qu’exigeait une telle entreprise, » ou tous les délais et frustrations qui accompagnent le fait de transiger avec le gouvernement, mais il l’a fait avec énergie, prévoyance, dévouement et dans le respect de tous.

Infilise fut le premier à occuper le poste de président du conseil d’administration du QJC, poste qu’il a occupé durant plus de six années avant de s’en retirer en février, pour être remplacé par Claude Lévesque.

C’est une succession planifiée, à l’image du style Infilise, une action rationnelle, réfléchie, stratégique.

Il a agi de la même façon avec l’entreprise familiale en 2004, se retirant de la présidence de Quadra Chemicals, tout en se réservant la fonction de directeur général.

« Une forte équipe administrative est la clé. Une partie du travail est de composer une équipe. Dès qu’on l’a, on peut faire un pas en arrière. C’est également ce qui est arrivé au Québec Jockey Club. Nous sommes passés de six à dix directeurs, avec l’intention d’en ajouter un autre. Vous avez plus d’expertise, de jugeote et de ressources, ce dont on a besoin sur un conseil de bénévoles. Il y a beaucoup de profondeur et de talent ici. »

Quadra est établie dans la banlieue montréalaise de Vaudreuil, et est une entreprise familiale des plus importante, se situant parmi les trois principales compagnies de distribution de produits chimiques au Canada et les sept en Amérique du Nord, comptant des exploitations dans plusieurs villes.

Cofondée en 1976 par Infilise et son partenaire Lynn Bartlett, elle a connu une croissance à deux chiffres au cours des 20 dernières années et aujourd’hui le revenu annuel se chiffre à environ 500 M $. Les 250 employés comptent trois des quatre enfants de Tony et Betty Infilise, qui détiennent tous des postes d’administrateurs.

« Cela a dépassé les espérances que Lynn et moi n’aurions jamais pu imaginer, » dit Infilise, qui possède aujourd’hui une résidence d’hiver aux Barbades et un voilier de 50 pieds, le Caribbean Soul, pour satisfaire son autre passion sportive.

Avec une entreprise de la taille de Quadra à administrer, ainsi que d’autres investissements familiaux, Infilise en avait déjà plein les mains quand l’industrie des courses de sa province d’origine s’est effondrée.

À ce moment-là, il s’était impliqué dans les courses attelées à titre de propriétaire et éleveur seulement. Mais devant la perspective d’extinction du sport, il a décidé de se joindre à d’autres importants propriétaires québécois comme Guy Corbeil et Brian Paquet aux premières lignes de l’opération de sauvetage.

Le plan initial était de racheter les immobilisations d’Attractions Hippiques – y compris le bail pour l’Hippodrome de Montréal, ce qui aurait permis des courses sur place de se poursuivre dans le plus important marché urbain de la province.

Mais cela ne s’est pas produit. « Le gouvernement ne voulait plus, de toute évidence, d’un hippodrome à cet endroit » de dire Infilise. « Ce fut la même chose dans la ville de Québec. Dès qu’ils ont décidé de construire un centre sportif là, l’hippodrome a disparu. »

Le plan B consistait à tout recommencer ‘littéralement à partir de zéro’, avec pour les tout débuts, 10 jours de courses accordés à l’association de course de la piste d’exposition d’Ayers’s Cliff, au Québec. Cela mena à d’autres jours de courses dans la Ville de Québec, puis à l’achat de l’Hippodrome de Trois-Rivières en 2012, là où le QJC offre maintenant 40 jours de courses sur place annuellement.

« Nous avons déjà fait beaucoup de chemin, nous payons plus en taxes qu’en bourses, sans aucun appui du gouvernement provincial, mais je demeure convaincu que nous serons capables d’en faire une industrie professionnelle et viable, » dit-il.

« Éventuellement, le gouvernement verra toutes les possibilités de la création d’emplois dans la base que nous avons. S’ils sont vraiment intéressés à créer des emplois, nous pouvons les aider. Notre vision est claire. Nous voulons arriver à 100 programmes de courses sur place avec comme première piste, l’H3R, ainsi que 40 autres programmes à être présentés dans la région de Montréal au printemps, à l’été et tôt à l’automne. Ce serait faciliter l’attrait de nouveaux propriétaires, de créer un meilleur marché pour les éleveurs. La passion pour les courses de chevaux est encore profonde au Québec. »

L’attachement profond d’Infilise pour les courses remonte à sa jeunesse à Montréal.

« Mon père aimait aller aux courses. Il n’était pas souvent à la maison, alors les meilleurs moments que j’ai passés avec lui étaient à l’hippodrome. L’animal lui-même est tellement attachant…, si élégant, délicat, puissant et rapide. »

Au début des années ’80, l’entreprise de produits chimiques d’Infilise allait assez bien qu’il avait le sentiment de pouvoir se payer une petite folie et acheter un cheval.

Ce cheval (qui n’a jamais assez amblé pour être appelé un ambleur) fut si peu mémorable qu’Infilise ne se souvient même pas son nom, mais cela ne l’empêcha pas de s’essayer encore.

Et il a depuis, continué à acheter des chevaux de course, les élever aussi, ce, depuis plus de deux décennies. Il possède à l’heure actuelle, huit juments poulinières et environ une vingtaine de chevaux à l’entraînement avec Mark Steacy et Patrick Lachance, ses deux principaux conditionneurs ces jours-ci.

Jusqu’à maintenant dans l’aventure, Infilise n’a eu que deux chevaux qu’il définirait de haut calibre : Shanghai Phil, gagnant de multiples courses ‘stakes’ à deux ans en 2004, et le presque millionnaire Sunshine Beach, finaliste pour un O’Brien Award à trois ans alors qu’il a couru durant toute la saison contre Captaintreacherous, qu’il a battu dans avec une performance record du monde lors du 2013 Battle Of Brandywine à Pocono Downs.

Qu’y a-t-il à propos des courses de chevaux qui l’ont tant attiré et maintenu son attention ?

« Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’une passion ou d’une dépendance. J’aime cela tout simplement. Ce fut très certainement une soupape, cela m’a aidé à maintenir mon équilibre personnel, m’a gardé sain d’esprit. Les pôles de ma vie ont été la famille, la croissance et le développement de l’entreprise familiale, les chevaux ainsi que les œuvres caritatives auxquelles nous participons dans la communauté.

« Je suis ce genre d’homme entier, sérieux, mais je suis moins prudent et minutieux en ce qui concerne les chevaux. Je prends cela au sérieux, et gère cela comme une entreprise, mais les chances de développer le prochain Sunshine Beach ne sont pas tellement grandes. J’aimerais être meilleur à cela. Le succès que j’ai eu jusqu’à présent n’a pas vraiment égalé l’effort que j’y ai mis. Je suis plutôt résilient ou stupide… je ne sais pas lequel. Mais j’ai connu quelques succès, et j’aime être entouré d’athlètes équins qui peuvent se mesurer aux meilleurs au monde. Voilà ce qui m’allume. »

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