Ce que veulent les femmes.

Les courses peuvent-elles attirer la gent féminine? Par Melissa Keith / Traduction Louise Rioux

LES COURSES DE CHEVAUX télévisées accordent de façon générale, un temps d’écran disproportionné aux jeunes femmes portant des robes bain-de-soleil et chapeaux fantaisie. Mais ces jeunes filles parient-elles? De toute vraisemblance, la réponse est non. Statistique Canada rapporte que les revenus nets des paris mutuels de toutes sortes sur les courses de chevaux ont décliné de 532 M $ à 378 M $ entre 1992 et 2008; les parieuses semblent passer à travers les mailles du « filet ».

Joseph J. Pulli a publié au printemps 2005, « A Study of Harness Racing’s Demographics and Sponsorship Potential » (Étude sur les données démographiques et commandites potentielles des courses de chevaux). L’étude indépendante réalisée par cet étudiant de l’University of Arizona à l’époque, a porté sur les données provenant des hippodromes nord-américains et ajouta la confirmation statistique de ce que tous les amateurs de course savaient déjà : « Le noyau de la base de partisans est fortement asymétrique et penche vers le genre masculin ». Pulli a constaté que, selon des données de 1993, les femmes composaient 46% de la base d’amateurs de course. En moins de trois ans, ce nombre a décliné jusqu’à 34%. En 2005, l’étude de Pulli a révélé que près des trois-quarts des exploitants d’hippodromes et 86% des parieurs hors piste étaient des hommes.

Une femme qui s’aventure dans un salon de paris hors piste se retrouvera fréquemment la seule femme ne vendant ni billets ni bière. Il en va de même pour la plupart des sections réservées au pari dans les hippodromes. Avec l’inquiétude constante causée par la tendance générale de la décroissance des cagnottes, il vaut certainement la peine d’investiguer ce que les parieuses aiment. Les chiffres révèlent que cette démographie ne s’applique pas uniquement qu’aux courses de chevaux.

BINGO

Une étude réalisée en 1986 sur les parieuses en Alberta – l’une des rares à n’avoir jamais été entreprises au Canada – a analysé la façon dont les parieuses à problème dépensent leurs dollars de loisir. Le bingo s’est imposé comme leur jeu préféré. Une enquête de 2010 conduite par l’Université McGill confirme les résultats de l’étude précédente; dans le rapport « Bingo Playing and Problem Gambling » (Bingo et jeu compulsif) de Jean-Claude Moubarac, N. Will Shead et Jeffrey L. Derevensky, ils ont noté que chaque étude sur le jeu qu’ils ont analysée a révélé la même réalité : « la forte probabilité que les femmes aient tout au moins deux fois de possibilité de s’investir dans le bingo que les parieurs. » Ils font remarquer que même si le bingo peut avoir et qu’il a sa part de joueurs problème, il est largement considéré comme « un jeu social sans l’étiquette de la déviance. »

Une petite recherche empirique menée à l’été 2010, confirmait officieusement les résultats de l’équipe de McGill. Le photographe de Trot, Kyle Burton et moi, avons donc décidé d’aller vérifier la scène du bingo du vendredi soir. Le bingo au bénéfice de l’organisme de bienfaisance du Merchison Centre’s charity se tenait en même temps que le programme de la course consolation Gold Cup and Saucer au Charlottetown Driving Park. Et c’était très occupé.

La gérante, Patti Bowtle, est sortie pour répondre à quelques questions sur la popularité du bingo, sujet qu’elle connaît à fond, étant elle-même une joueuse depuis toujours. « Nous avons plusieurs cagnottes – elles s’accumulent chaque soir, comme une loterie. Les cagnottes attirent les gens ici, » nous explique-t-elle. (Une cagnotte de 8 800 $ avait été la grande vedette le soir précédent.) Patti nous a parlé du bingo par satellite, de la diffusion simultanée provenant d’Alberta, et comment elle en était venue à jouer depuis que sa mère l’y avait conduite à l’âge de dix ans. Patti nous dit que plus d’hommes y venaient dernièrement, mais elle ajouta que traditionnellement, plus de femmes jouent car « elles veulent tout simplement prendre un peu l’air et laisser leur homme à la maison! » Un grand bonhomme aidait une personne âgée mais agile à descendre d’un taxi pour l’amener au Merchison Centre. Robert G. dit que sa mère âgée de presque 83 ans, « est vive comme un chat » et « manque rarement une partie. » Au-delà de l’appel social du bingo, Robert disait que le bas prix de ce jeu en faisait un jeu populaire. « Ici, sur l’île, ce sont des prix abordables. Au cours des années 1970 et 1980, il y avait environ cinq prix de 1 000 $ par soirée et l’admission n’était que de 2 $! Il y a trente ans, il était possible de jouer tous les soirs pour la modique somme de 6 $. » Robert ne joue pas au bingo. Pas plus qu’il n’est un parieur sur les courses attelées. « Je m’en tiens à la loterie, » dit-il. « Je préfère passer mon temps à boire de la bière et à attendre que la loterie vienne. »

CASINO

Le jour de la Gold Cup and Saucer au Charlottetown Driving Park, Kyle et moi avons essayé de savoir si les parieuses choisiraient encore les jeux du casino plutôt que les meilleurs programmes de l’année présentés à l’hippodrome. L’agent de sécurité n’était pas très chaud à l’idée, et défendait avec vigueur « l’aspect confidentialité pour le joueur » en guise de raison pour interdire l’accès des médias aux clients du casino. Nous nous sommes déplacés un peu plus loin, en sur son expérience. « George » s’est un peu rapproché de nous, nous suggérant d’aller dehors.

Tout près, les parieurs sur les courses faisaient la queue pour atteindre les guichetiers, en apparence ne se préoccupant pas trop de leur « confidentialité » pour faire leurs paris. Peut-être le casino était-il rempli de femmes ayant un très grand souci de la sécurité.

Une guichetière néo-écossaise de pari hors piste a partagé ses pensées avec nous sur la raison pour laquelle les femmes gravitent autour des ALV et des machines à sous. Sally, qui travaille aux hippodromes et aux salons de paris hors piste depuis 30 ans, dit qu’elle soupçonne que la facilité des jeux et les grosses cagnottes influencent les joueuses. « Bien des gens entrent et regardent, vous savez, pour voir comment fonctionne le pari sur les courses, » note-t-elle dans le salon de diffusion simultanée où elle travaille. « Vous le leur expliquez et leur expression affiche ‘ trop compliqué!’ Et je ne leur parle que des billets gagnants. »

À n’importe quel jour ou soir de diffusion simultanée, presque 100 % des tables au salon de pari hors piste de Sally sont occupées par des parieurs sur courses de chevaux. Les femmes sont à part et jouent sur les ALV dans une autre section du bar. « Je pense que la façon dont les hommes parlent est une barrière pour quelques-unes, » ajoute-t-elle. Leurs cris, jurons et coups de poing sur la table ne la dérangent plus parce que dit-elle, elle a appris à en faire abstraction. Mais même des clients masculins se sont plaints à l’occasion de leur langage particulièrement désagréable. Sally ne fait pas dans le bingo, ni dans les paris sur courses parce que ce n’était pas permis à la première piste où elle a d’abord travaillé. Ni la piste ni l’endroit où elle travaille présentement, n’offre de « soirée des dames » ou tout autre promotion s’adressant aux femmes. Non pas que Sally croit que de telles initiatives s’avéreraient utiles : « Je ne sais comment ils pourraient arriver à intéresser les femmes au pari sur les chevaux.

REVENU

Le revenu est un réel facteur déterminant qui participe aux activités de loisir. Statistique Canada rapportait en 2008, que le revenu annuel des femmes canadiennes était encore de manière significative plus bas que celui des hommes du même âge. Les revenus d’une travailleuse entre 35 et 44 ans étaient de 36 300 $ en moyenne – alors que celui de sa contrepartie masculine se situait à 59 900 $. Alors qu’elle aime l’hippodrome ou non, les revenus moyens de la femme canadienne font des courses de chevaux une forme de loisir moins abordable pour elle.

Lors de la soirée de la Gold Cup and Saucer en 2010, deux des ambassadrices des courses ont partagé leur avis sur le pari. Au cours de sa première année de Baccalauréat ès Arts à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, Jill MacDonald accordait encore du temps aux courses. « Je travaillais à l’hippodrome dans la vente de billets, et lors de mes soirées libres, je pariais. De façon générale sur les courses en direct, mais aussi sur les courses en diffusion simultanée lorsqu’il s’agissait d’une grosse course, comme le Kentucky Derby ou l’Hambletonian ». Bien que Jill ait des liens familiaux avec le sport des chevaux, ce n’est pas ce qui l’attire à la piste. « C’est l’excitement des chevaux, » dit-elle en souriant. « Cela m’attire vers les guichets de pari – c’est plus passionnant que de s’asseoir devant une machine à sous. »

MacDonald nous a fait part de son optimisme prudent en matière de croissance démographique des femmes pour les courses de chevaux. « Il y a d’autres femmes qui parient au CDP (Charlottetown Driving Park), elles misent généralement 2 $ sur des billets en SHOW, mais il y a définitivement plus de femmes qui y viennent. »

Emily MacPhee est issue d’une tradition de quatre générations de courses de chevaux. « Quand j’étais petite, du haut du vieux ‘Top of the Park’, mes amis et moi avions l’habitude de choisir des chevaux et de les encourager. » Ses amis, cousins et elle, choisissent et encouragent encore leurs chevaux, à la différence que maintenant ils peuvent miser en vrai sur eux. « Je suis étudiante, alors il s’agissait à l’époque, de gestion de budget, » dit MacPhee. » « Si je gagnais plus que je ne le fais maintenant, cela m’encourageait à vouloir parier plus. » En plus des revenus, elle a réfléchi au manque d’exposition et des rôles modèles qui ont fait que les femmes évitent les courses. « Cela peut sembler de prédominance masculine. Les femmes peuvent ne pas être connaissantes en ce qui concerne les courses attelées, même en piste. Il y a Casie Coleman mais très peu d’autres. »

POLITIQUEMENT INCORRECT

Il y a une décennie, Ted McClelland s’est fixé comme objectif de connaître les parieurs les plus fidèles sur deux pistes pour thoroughbred de l’Illinois. L’auteur de « Horseplayers : Life at the Track » (Parieurs sur chevaux : La vie à la piste), publié en 2005 par la Chicago Review Press, dit que son livre illustre « une année passée à essayer de battre les courses ainsi que tous les bizarres personnages rencontrés en cours de route. » Tandis qu’il faisait sa recherche, McClelland a pu vraiment constater les données démographiques et personnelles du pari. Déjà un habitué des pistes, il voulait faire le profil des joueurs sérieux seulement. « Très peu de femmes jouaient de façon régulière. Je me souviens d’une femme, Janine Starykowicz. Elle possédait en réalité son propre site web sur les courses de chevaux. Et une autre qui était l’amie de l’un des personnages avec qui j’ai passé du temps. Elle venait par intervalles de quelques semaines. Vous ne trouvez pas beaucoup de femmes qui misent sur les chevaux. »

McClelland dit qu’il semble y avoir des différences psychologiques entre les sexes qui émergent dans le contexte du pari mutuel. Les femmes ne sont pas aussi avides de paris audacieux et de rivalité qu’il considère comme des éléments importants de la sous-culture des parieurs sur les chevaux. « C’est une forme de jeu de concurrence – ils se mesurent à d’autres joueurs, » dénote-t-il. Les chercheurs sur le jeu expliquent souvent les différences basées sur les genres en termes vivaces : les femmes sont typiquement de type ‘joueuse de loisir’ c’est-à-dire qui préfèrent les jeux de hasard (machines à sous, bingo); les hommes sont habituellement considérés comme des joueurs ‘actifs’ préférant les jeux d’habiletés (chevaux, poker).

Comme l’explique le journaliste de Chicago, « les femmes aiment l’effet Cendrillon, tandis que les hommes aiment s’imaginer qu’ils ont eux-mêmes créé une situation et qu’ils ont fait qu’elle se produise. » McClelland admet volontiers que ses observations pourraient être considérées sexistes, mais il a regardé des femmes qui misaient et de façon générale, elles sont « frileuses au risque ». Il a amené son amie à la piste – « elle n’a pas aimé perdre de l’argent » les quelques fois qu’elle y est allée.

Mais attirer des parieurs de sexe féminin est loin d’être une cause perdue, si les hippodromes capitalisent sur leurs forces. Ils peuvent avoir de la classe, des installations confortables pour des clientes regardant les athlètes équins tout en partageant un bon repas et un bon service. Lors de son travail sur le terrain pour rédiger « Horseplayers : Life at the Track », McClelland dit qu’il a été témoin de l’impact négatif qu’avait un environnement minable sur les visiteuses à la piste. « La piste est sale, il y a des détritus sur le plancher, il y a déjà eu beaucoup de fumée, » raconte-t-il au sujet de Hawthorne Racecourse circa 2003. Cela ne frappe pas l’imaginaire des joueuses qui y viennent pour le ‘loisir’ ‘par une soirée des dames’.

À Arlington Park, l’autre piste étudiée par McClelland, la grande tribune et les terrains sont, selon ses dires, beaucoup plus propres. « Vous verrez ici à Arlington, plus de femmes, » fait-il remarquer. « Si c’est une sortie sociale, elles y sont. Mais il y a une différence entre cela et vous savez, être un parieur sérieux sur les chevaux. »

CONCLUSION?

Visitez les forums en ligne sur les courses. Il y a beaucoup de partisanes des courses (particulièrement orientées vers les thoroughbred), qui admettent, quand on les questionne, qu’elles ne savent absolument pas comment se fait un pari. D’autres vont plus loin, insultant ouvertement les handicapeurs qui à leur dire sont soit insensibles au bien-être des animaux ou obsédés par l’argent. Il se veut une hypothèse tacite à l’effet que les courses survivront à jamais du seul fait de leur noblesse. Ce qui est troublant c’est que ces partisanes croient que quelqu’un doit supporter les courses au plan financier, mais pour elles, le fait qu’elles soient des parieuses de bonne foi semble ne pas correspondre à quelqu’un aimant les chevaux. Le stéréotype persistant du parieur dégénéré misant sur tout ce qui bouge, obscurcit les aspects des courses qui pourraient convaincre les femmes aimant les chevaux à parier sur eux.

Avec les emplois traditionnels de cols bleus qui sont durement frappés par l’économie canadienne, les hippodromes seraient bien avisés de se tourner vers ce que les amatrices de chevaux ont à dire sur le pari. À l’occasion, l’une d’elles exprime ce que les femmes aimant les chevaux (mais qui ne parient pas), recherchent. Un commentaire de juin 2010 de la part d’une Rachel inquiète, et émis sur les blogues du Bloodhorse est franchement alarmant : « cela semblera TRÈS ‘fille’ et ‘naïve’, mais l’industrie des courses semble incapable de retenir le genre d’amateur que j’essaie d’amener à la table… les collègues propriétaires de chevaux qui dépensent des milliers de dollars sur leurs chevaux mais qui ne mettront pas un petit 2 $ sur une course parce qu’ils pensent que les jockeys utilisent trop leur fouet, que les chevaux ne sont pas aimés et que trop s’en vont à l’abattoir. J’ai essayé et essayé encore… j’en suis au point où PERSONNE ne veut m’accompagner… Créez un monde pour les passionnés de chevaux, et elles parieront. »

La semaine ‘Old Home Week’ est un monde pour les passionnés de chevaux. Des femmes de tous âges, comme Rachel l’avait prédit, pariaient au Charlottetown Driving Park quand Kyle et moi y sommes allés aux fins de cet article. Encourager les parieuses l’année durant dépend d’un peu plus que de la très reconnue série Mildred Williams pour les conducteurs féminins, que la course sur selle, ou que les nombreuses femmes qui possèdent, coursent et aiment leurs standardbred. La démographie du pari par ‘loisir’ a besoin de culture. Ces gens estiment les bas investissements, les retours élevés potentiels, et la facilité du jeu. « Tom qui travaille dans un hippodrome de la côte ouest, confirme que tandis que ces données démographiques s’orientent vers les machines à sous, quelques campagnes de promotion ont contribué à les courtiser pour qu’elles parient sur des programmes en direct.

« De nombreux nouveaux groupes – fêtes pour les retraités, anniversaires, Noël », amènent des femmes à l’hippodrome de Tom, mais seulement une poignée d’entre elles parient sur le produit en direct, » observe-t-il. Ces femmes semblent accompagner des partenaires parieurs sur les courses de chevaux. « Rarement les femmes viennent-elles par elles-mêmes quand il n’y a pas de programme de course en direct, » ajoute-t-il.

Des ambassadeurs offrent de l’information sur les paris ainsi qu’une brochure gratuite déchiffrant la langue des hippodromes; mais la promotion la plus fructueuse a été celle d’un bon d’échange sur pari de 5 $ publié dans un journal local. « C’est un mélange de parieurs qui s’est présenté quand cette offre a été faite. Bien que Tom considère que gagner de nouveaux parieurs sur courses « est un défi difficile»», il soupçonne que les joueuses de « loisir » pourraient apprécier quelque chose comme ‘l’insta-pick 10-cent superfecta ou tout autre jeu à bas prix permettant des jeux fréquents en une même session. Si elles savaient que de telles alternatives étaient disponibles, par contre.

La majorité des parieuses semblent attirées par l’imagerie ‘glamour’ du casino ou du sain plaisir du bingo. Ni glamour ni salubrité ne se trouvent dans l’imagerie de ce monde granuleux ou ‘dépotoir’ aride que les joueurs « actifs » tolèrent.

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